La célébration en grande pompe de la victoire des alliés sur les forces de l’Axe le 8 mai 1945 (au mois d’août en ce qui concerne le Japon) m’incite à me poser la question des avancées humaines et morales réalisées dans le monde depuis 70 ans. La barbarie épouvantable d’un régime qui commença par éliminer systématiquement les plus faibles au sein même de la nation allemande (les handicapés) et causa la mort de millions d’êtres humains notamment sur la base de leur appartenance ethnique, continue à susciter des réactions d’indignation, de consternation, de condamnation. Les maîtres mots étant : « Vigilance, plus jamais ça, protection des droits de l’homme, des droits des minorités, des plus faibles ».
Il est cependant une question qu’on pose rarement et qui n’incite guère à l’optimisme: si le logiciel qui préside à notre culture et à notre vision du monde reste à la base le même que celui de l’idéologie nazie, quels autres fruits peut-on espérer à court, moyen ou long terme ? Si le matérialisme, la déification de la nature et de l’être humain qui est devenu sa propre référence ultime, son propre législateur de A à Z, si la loi implacable de la survie des plus forts au détriment des plus faibles sont les fondements mêmes de nos existences individuelles et collectives, et qu’on croit dur comme fer que ce sont là des acquis de la science et de la réflexion humaine qu’on ne saurait en aucun cas remettre en question sous peine de rétrograder honteusement dans l’ordre de la connaissance de soi et du monde, pourquoi devrait-on s’attendre à cueillir d’autres fruits que ceux que le nazisme a produits en son temps? Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ce logiciel mortifère et suicidaire est en fait toujours à l’oeuvre dans nos sociétés occidentales repaganisées depuis des lustres. Le virus est peut être dormant dans le corps social, il est sans doute combattu par quelques défenses immunitaires encore vivaces, mais il est bien vivant et présent, et continuera à progresser et opérer des ravages tant qu’il ne sera pas clairement identifié et dénoncé pour ce qu’il est.
Quand je lis qu’une centrale thermique du Montana, aux États-Unis, utilise entre autres comme source de combustible les « déchets » humains de fétus avortés, je ne puis m’empêcher de penser: A quoi bon le don de la vie de tant de soldats américains sur les plages normandes et en Europe pour libérer notre continent du joug féroce des nazis, si c’est pour faire exactement la même chose : le massacre des innocents suivi des fours crématoires… Eugénisme rampant via l’avortement des fétus qu’on pressent être malformés; suppression par l’euthanasie des vieux qui ne tiennent plus la route et ne contribuent plus à la croissance économique ou à la reproduction de l’espèce: Hitler et ses sbires auraient-ils perdu la guerre militairement tout en la gagnant idéologiquement à long terme ? La sagesse humaine soi-disant autonome et émancipée, accouche toujours de fruits monstrueux.
A l’opposé, on lit à la fin du 8e chapitre du livre des Proverbes, dans l’Ancien Testament, l’appel de la sagesse divine à la rechercher et la trouver. Elle déclare: Celui qui me trouve a trouvé la vie et obtient la faveur de l’Éternel. Mais celui qui pèche contre moi nuit à son âme; tous ceux qui me haïssent aiment la mort. Nos contemporains feraient bien de se poser la question de savoir quel est le logiciel qui en définitive favorise la vie et la protège, au lieu de semer la destruction et la mort tout en prétendant faire leur bonheur…