Dieu créa l’homme à son image. Il le créa à l’image de Dieu. Homme et femme il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là. C’est ce que nous lisons au premier chapitre du livre de la Genèse, au tout début de la Bible. Un peu plus loin à la fin du même chapitre il est écrit: Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait et voici : c’était très bon. Pourtant, au chapitre suivant (verset 18), on lit ceci : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis. Ces deux passages sont-ils en contradiction l’un avec l’autre, ou bien se complètent-ils? Tout est-il très bon ou quelque chose n’est-il pas bon dans l’œuvre du Créateur divin ? On peut dire en fait que le second passage confirme le premier, puisqu’il nous présente un récit, celui de la création de la femme, destiné à rendre compte de la création de l’homme et de la femme comme une unité dans la complémentarité faisant justement partie de l’ordre divin bon et parfait. Avant cela, cet ordre n’est pas encore réalisé, tout n’est donc pas encore « très bon ». En ce sens, le deuxième chapitre du livre de la Genèse nous offre un angle rapproché, un effet de « zoom », si l’on veut, sur cette création de l’homme et de la femme, qui va culminer avec leur union dans la différence et la complémentarité. Lorsqu’en découvrant Eve, Adam s’écrie, rempli d’admiration et de joie: Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair, c’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme, il reconnaît lui-même l’accomplissement de l’ordre divin bon et parfait.
Or, s’il y a un vis-à-vis dans cette relation c’est, comme je l’ai dit dans le précédent article posté sur ce blog, sur la base de l’être même du Dieu Créateur qui est un Dieu personnel se révélant comme Dieu unique distingué en trois personnes: toutes les trois sont égales en divinité de toute éternité, ce qui veut dire que chaque personne ne représente pas un tiers de Dieu, (dans ce cas on devrait dire que les trois tiers combinés ensemble forment cette unité ; mais dans ce cas aussi aucune des trois personnes ne pourrait être qualifiée de Dieu à proprement parler). Elles sont égales, ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’elles soient confondues ou qu’elles ne disposent pas chacune de prérogatives personnelles : en fait, avec leurs prérogatives personnelles, elles travaillent dans l’unité parfaite les unes avec les autres et cette unité d’essence, de propos, d’action est telle qu’on ne peut parler que d’un Dieu unique, et non de trois dieux (comme certains essaient de le faire croire en déformant ce qu’on peut clairement apprendre de Dieu en lisant attentivement la Bible).
L’égalité des personnes divines dans une relation particulière n’est pas contradictoire avec la notion de soumission volontaire. Cela aussi nous est très clairement exprimé dans la Bible, en particulier dans la relation entre le Père et le Fils : le Fils obéit parfaitement au Père, c’est uniquement à ce titre du reste qu’il est Sauveur et Rédempteur : parce qu’il a accompli parfaitement la volonté de son Père céleste, jusqu’à aller offrir sa vie en mourant crucifié sur la Croix. Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul l’exprime de cette manière dans sa lettre aux chrétiens de la ville de Philippes, en Macédoine (2:5-7): Ayez en vous la pensée qui était en Christ-Jésus, lui dont la condition était celle de Dieu, il n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes ; après s’être trouvé dans la situation d’un homme, il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix.
Méditer sur l’exemple du Christ à la lumière de cet enseignement de la Bible, c’est d’abord se rendre compte que la notion d’égalité ne devrait jamais être vécue « comme une proie à arracher » qui exclue « obéissance » et « soumission » volontaires. Comme si ces deux notions-là étaient fondamentalement viciées ou destructrices. Cela, évidemment, c’est ce que les esprits dits « modernes » veulent nous faire croire, aboutissant ainsi toujours à la révolte, à l’usurpation, au mécontentement sous prétexte d’égalité. En adoptant ce faux schéma, on en arrive fatalement à un égalitarisme au final très destructeur et frustrant, au lieu d’être libérateur. On dit souvent qu’égalité n’est pas uniformité, et c’est très vrai. Mais en même temps, l’esprit qui domine notre époque est en opposition frontale avec l’attitude qui était en Christ-Jésus et dont a parlé l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens. Comment alors envisager des rapports d’égalité apaisés, au sein desquels le respect mutuel, l’amour réciproque, le don de soi dans l’acceptation des différences et de la complémentarité ne soient pas vécus comme des freins à cette égalité, mais comme une réflexion fidèle de l’image de Dieu en nous? Je reviendrai sur cette question dans un prochain article sur ce blog.