Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, écrivait Rabelais dans son roman Pantagruel au 16e siècle. On peut sans doute interpréter de diverses manières cet aphorisme, mais son contenu est plus que jamais d’actualité, aussi bien sur le plan de la démarche intellectuelle que sur le plan éthique. Nous sommes bien placés aujourd’hui pour constater qu’avec la négation de l’âme humaine, la conscience, dans bien des activités scientifiques, est elle-même en voie de disparition. De fait, on pourrait facilement retourner l’aphorisme: science sans âme n’est que ruine de la conscience.
En effet, ce qui nous est souvent proposé comme de la science a de quoi nous laisser pantois. Et pourtant, nous sommes mis en demeure d’y accorder notre foi, notre assentiment, comme s’il s’agissait à chaque nouvelle hypothèse, à chaque nouvelle théorie, supposition ou supputation, d’une révélation revêtant un caractère d’autorité suprême (suivie de toutes les décisions et mesures impératives auxquelles il convient de se soumettre), et cela alors même qu’un sacrifice intellectuel est exigé de tous pour l’avaler puis la digérer. Il faut avoir une dentition et un estomac bien solides pour ce faire…
Un exemple frappant consiste en ce qu’on a trop longtemps appelé l’ADN poubelle (en anglais : junk DNA). Je cite un extrait d’un article paru dans le journal suisse Le Temps il y a quelques années : Il n’y a pas si longtemps encore, on divisait le génome humain – et celui des autres êtres vivants – en deux : les gènes et l’ADN poubelle (plus de 95% du génome). D’un côté les séquences qui permettent la construction des protéines, briques essentielles de notre organisme, et de l’autre le déchet devenu inutile et qui s’est accumulé après des centaines de millions d’années d’évolution. Or voilà qu’on s’est ensuite rendu compte que la présence de ces séquences de soi-disant ADN poubelle était commune à la quasi-totalité du code génétique des mammifères, pointant en direction d’une fonction codante de premier plan. Nous penchons plutôt pour une fonction régulatrice dans l’expression des gènes disait à l’époque un scientifique cité par l’article du Temps.
Il n’est pas de mon ressort ni de mon intention de discuter de cette fonction spécifique ou d’épigénétique. Ce qui m’interpelle c’est cette expression ADN poubelle utilisée et répandue durant des années par des scientifiques eux-mêmes, puis par toute une classe de vulgarisateurs, et ce pour nommer une composante chimique ou organique jouant en fin de compte un rôle central dans le corps d’espèces animales et des êtres humains. Ce qu’on observe mais dont on ne comprend pas (ou du moins pas encore) la nature et la fonction, on peut se permettre de le qualifier de « poubelle », de « junk » et le faire avaler comme tel au public. Et le jour où l’on se rend compte du rôle essentiel que jouent ces structures au sein du génome, on ne parle soudain plus de poubelle ou de détritus.
Parlons clairs : ce sont des merveilles de la création dont on parle ainsi, et par derrière, c’est le Créateur lui-même qu’on insulte avec ce choix de mots bien révélateur d’une ignorance et d’une arrogance combinées. Elles puisent leur origine dans la croyance (car c’en est bien une !) que le chaos, une soupe primitive informe, s’est peu à peu et magiquement organisé, grâce au facteur temps, tout en laissant sur son passage pas mal de déchets. Alors, au risque de prononcer un terrible blasphème contre une religion bien établie, ne faudrait-il pas plutôt parler de « science poubelle » ? A rebours, le psaume 139 guide notre étude, notre conscience et notre âme, que ce soit dans notre adoration ou dans toutes nos recherches, scientifiques ou autres, : Je te célèbre ; car je suis une créature merveilleuse. Tes œuvres sont des merveilles, et mon âme le reconnaît bien.
