L’évangile selon Luc contient dix fois le mot grec sêmeron, qui veut dire « aujourd’hui ». Cela a quelque chose de tout à fait spécial lorsque l’on considère la signification particulière de cet adverbe dans le contexte de son utilisation par l’évangéliste Luc. Car cet « aujourd’hui » n’est pas tant celui du calendrier, qui nous fait dire tous les jours « aujourd’hui » quels que soient les événements qui marqueront ce jour-là, mais l’aujourd’hui illuminateur du salut de Dieu qui se manifeste de manière éclatante dans la vie d’hommes ou de femmes de condition très diverse.
Cela commence la nuit de Noël, lorsque l’ange apparaît aux bergers des environs de Bethléhem pour leur annoncer la naissance du Sauveur : Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur (2.11). C’est l’aujourd’hui de l’Incarnation du Fils de Dieu, événement unique dans l’histoire de l’humanité.
Cela continue au chapitre 4 de Luc, lors de la prédication de Jésus dans la synagogue de Nazareth, la ville où il a grandi. Après avoir lu un passage du chapitre 61 du prophète Ésaïe qui parle de l’oint du Seigneur sur lequel repose l’Esprit du Seigneur, Jésus roule le livre qu’on lui avait donné pour qu’il y lise, le rend au serviteur en charge dans la synagogue, et, pendant que les yeux de tous sont fixés sur lui, commence par leur dire : Aujourd’hui cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, est accomplie (4.21). C’est en effet en sa personne, dans son ministère qui commence, qu’est accomplie cette parole annonçant un grand salut.
Au chapitre 19 de l’évangile selon Luc, Jésus fait dans la ville de Jéricho la rencontre d’un collecteur d’impôts très impopulaire, un certain Zachée. Lui aussi voulait voir Jésus mais ne le pouvait à cause de la grande foule et de sa petite taille, alors il était monté sur un sycomore : Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison (19.5). La transformation radicale qu’opèrera la visite de Jésus dans le cœur de Zachée, amènera Jésus à dire, à la fin de cette rencontre : Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (19.9-10).
La démonstration la plus puissante de ce salut qui ramène de la mort à la vie une existence gâchée, est sans doute cette promesse faite sur la Croix par Jésus au brigand qui le supplie de se souvenir de lui à la venue de son royaume : En vérité je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis (23.43). Là non plus il ne s’agit pas d’un aujourd’hui employé en contraste avec hier soir ou demain matin, mais d’un aujourd’hui salvateur qui débouche sur la vie éternelle grâce à la rencontre avec le Rédempteur, ce Fils de l’homme qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
Alors, à la lumière de ces paroles, écoutons l’exhortation pressante du psaume 95 reprise pas moins de trois fois dans la lettre aux Hébreux (3.7,15 ; 4.7): Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos coeurs !