L’extrait suivant du Commentaire de Jean Calvin sur le livre de la Genèse (publié à Genève en 1554) cherche non seulement à mettre en évidence l’étendue des effets du péché d’Adam sur l’ensemble de la Création (nature, santé, maux de toutes sortes) mais également les remèdes qu’accorde le Créateur lui-même dans sa Grâce en Christ.
C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans le sol, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. (Genèse 3:19)
Il faut noter que ceux qui se soumettent paisiblement aux travaux et misères rendent à Dieu une obéissance qui lui est agréable, au moins s’ils ont une connaissance de leurs péchés qui soit conjointe à la patience, pour les instruire à l’humilité. Mais c’est la foi seule qui présente un tel sacrifice à Dieu. Plus les fidèles travaillent à gagner leur vie, plus ils sont incités à croître dans la repentance et s’habituer à fortifier leur chair, bien que Dieu remette souvent à ses enfants une partie de cette malédiction afin qu’ils ne succombent pas sous le fardeau. C’est ce qui est écrit au psaume 127:2 : En vain vous levez-vous matin, vous couchez-vous tard, et mangez-vous le pain d’affliction ; il en donne autant à son fils bien-aimé pendant qu’il dort.
Parce que ce qui avait été corrompu par Adam est réparé par la grâce de Christ, les fidèles sentent Dieu plus libéral envers eux, et jouissent de la douceur de son indulgence paternelle. Mais comme il faut que même chez les meilleurs qui se puissent trouver, leur nature pécheresse soit assujettie et domptée, il advient souvent que les fidèles sont matés par de bien durs travaux et sont en même temps pressés par la faim et l’indigence. C’est pourquoi il n’y a rien de meilleur, qu’étant avertis des misères de la vie présente, nous pleurions nos péchés et demandions quelque soulagement par la grâce de Christ ; celle-ci apaise non seulement l’aigreur des douleurs, mais leur donne aussi de la saveur, en mettant du sucre dans le vinaigre.
Moïse ne raconte pas toutes les incommodités dans lesquelles l’homme s’est enveloppé, car il apparaît que toutes les misères de la vie présente, qui sont infinies, comme on le voit par expérience, sont procédées d’une même source. Les intempéries de l’air, la gelée, les tonnerres, les pluies hors de saison, les sécheresses, brûlures, grêles et tout ce qui est en désordre en ce monde sont les fruits du péché. Il n’y a pas non plus d’autre cause première des maladies, et il n’y a aucun doute que ce que les poètes ont tant célébré par leurs fables, ne leur ait été transmis par leurs pères comme de main en main. De là vient ce que dit Horace [Odes, I, 3], qu’après que le feu ait été dérobé de la maison céleste, la disette et une nouvelle série de fièvres se sont arrêtées sur la terre, et la nécessité de la mort, qui tardait auparavant, s’est avancée. Mais Moïse, qui s’étudie à être bref, s’est contenté de toucher à sa façon, selon la capacité à comprendre du plus grand nombre, ce qui est le plus apparent, afin que sous un exemple nous apprenions que, par la faute de l’homme, tout l’ordre de la nature a été renversé.
Par ailleurs, si quelqu’un amène l’objection selon laquelle nulle misère n’est imposée à l’homme qui ne soit aussi applicable aux femmes, je réponds que cela est fait tout exprès, afin que nous apprenions que la malédiction est découlée sur les deux sexes en commun, comme S. Paul témoigne que tous sont morts en Adam (Romains 5:12).