QUI EST NOTRE PROCHAIN: SEUL CELUI QUI NOUS EST PROCHE?

La question de savoir qui au juste doit être considéré comme notre prochain se pose à tous les chrétiens, à partir de la parole de Jésus en Matthieu 22:34-40, en réponse à un docteur de la Loi qui lui demandait quel en était le plus grand commandement.  Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée.  C’est là le premier et le grand commandement.  Et voici le second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.

La seconde partie de cette parole, celle qui concerne l’amour dû le prochain, est présentée comme suit par le Catéchisme de Genève (rédigé par Calvin en 1545) :

218 Quel sens donnons-nous à la deuxième partie de ce Sommaire? – Par nature nous sommes portés à nous “aimer nous-mêmes”, au point que cette tendance l’emporte sur toutes les autres.  Eh bien! l’amour du prochain doit occuper en nous la même place – la place privilégiée.  Il conduira nos vies et sera la règle d’or de nos projets et de nos actes.

219 Que veut dire le terme de “Prochain”? – Il ne désigne pas seulement les parents, les amis et ceux auxquels certaines affinités nous unissent, mais même des inconnus; plus encore, des ennemis.

220 Mais quel rapport ceux-là ont-ils donc avec nous? – Quel rapport?  Le lien que Dieu a établi entre tous les hommes.  C’est un lien sacré et inviolable: aucune méchanceté humaine ne peut le rompre.

Dans son sermon sur cette section du Catéchisme de Genève, le pasteur Jean Daillé (1594-1670) s’attache d’abord à préciser qui est ce prochain, lequel peut a priori sembler bien lointain.  Il s’attache à montrer l’unité profonde du genre humain par delà l’étonnante diversité qui caractérise les individus.  C’est cette section de sa prédication qui est présentée ici. Dans la section suivante de ce même sermon, Daillé fera remonter cette unité à l’origine commune de toute l’humanité en Adam, que rien ne peut abolir, quelle que soit l’attitude et le comportement éthique des uns ou des autres de ces descendants d’Adam.

Quant au premier point, ce Commandement nous ordonne d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, sur quoi, pour le bien comprendre, il faut savoir qui est ce prochain qu’il nous convient d’aimer ; et ensuite, quelle est la manière et la mesure de l’amour que nous devons lui porter : Aime-le comme toi-même.

Certes, à considérer simplement le mot tel qu’il est dans l’usage commun, il semble que nos prochains soient seulement ceux qui nous touchent de près, et ont quelque liaison particulière avec nous, comme de parenté, d’alliance ou de voisinage ; et il y a une très grande apparence que les anciens Pharisiens et autres tels docteurs d’entre les Juifs le comprenaient ainsi.  Car le Seigneur rejetant les fausses gloses avec lesquelles ils avaient perverti toute la Loi, rapporte celle-ci entr’autres, qu’ils disaient : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi (Mat. 5 :43), où vous voyez clairement, par l’opposition qu’ils faisaient du prochain à l’ennemi, qu’ils prenaient ce mot de prochain en un sens fort restreint et resserré, comme si ceux qui sont nos ennemis n’étaient pas nos prochains. Et notre Seigneur, dans ce passage-là, sans s’arrêter à leur contester la fausse exposition de ce terme, se contente de nous donner un commandement contraire au leur : Mais moi je vous dis, dit-il, aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient ; nous signifiant par là que ceux-là mêmes d’entre les hommes qui nous sont les plus contraires, sont néanmoins nos prochains.  Car puisque par la disposition de la Loi divine nous sommes obligés à aimer nos prochains, il s’ensuit évidemment que tous ceux que nous devons aimer sont nos prochains.

Or, comme nous le déclare notre Seigneur, nous devons aimer nos ennemis propres, ceux dont les affections sont les plus éloignées de nous, telles gens sont donc indubitablement nos prochains.  Et de fait ailleurs (Luc 10 :30) un Docteur de la loi lui demandant qui était son prochain ; il lui fait voir par cette belle et excellente parabole du Samaritain qui eut compassion du pauvre homme laissé à demi mort par les brigands, que tout homme quel qu’il soit, est notre prochain, sans que les extrêmes différences de conditions, de religions, de qualités et autres semblables qui sont entre les hommes nous puissent ou doivent porter à en juger autrement.

Et outre l’autorité du Seigneur Jésus, laquelle nous doit suffire, la considération de la chose elle-même nous apprend aussi cette vérité ; car il y a une si étroite et si admirable communion de nature entre tous les hommes de la terre, qu’il est aisé de voir à quiconque prendra la peine de la regarder exactement, qu’ils sont prochains les uns aux autres.

Premièrement ils ont une même forme d’essence et de substance composée de mêmes pièces et façonnée d’une même sorte ; car tout homme, quel qu’il soit, a un corps et une âme ; et dans ce corps et dans cette âme, les mêmes facultés et puissances que les autres hommes.  Les linéaments du visage sont infiniment divers, ne se pouvant trouver en cette grande et innombrable multitude d’hommes, deux personnes seulement qui les aient semblables en tout et partout ; et dans la forme et façon de l’âme, qui est comme son visage, il n’apparaît pas moins de diversité, étant impossible de trouver deux hommes qui aient un esprit semblable en tout et partout, ce qui se reconnaît aisément au discours qui est comme l’image et la représentation de l’esprit.

Mais cependant, il est constant que tous les hommes ont un visage et un esprit, qui pour le fonds est non seulement semblable, mais le même que celui des autres, les traits et la couleur seulement en sont différents, la forme principale est la même.  Considérez, je vous prie, les Orientaux, les Occidentaux, ceux qui demeurent vers le Midi, et ceux qui sont reculés vers le Septentrion, les divers aspects du Soleil altèrent et changent leur teint, mais non pas le fond de leur être.  Le Maure sous sa peau noire cache un même homme que l’Allemand sous la sienne blanche.  Ce sont toujours mêmes corps vivifiés d’une même âme raisonnable, qui ont un visage tourné vers le Ciel, une tête où sont disposés tous les organes de leurs sens, des mains propres à toutes les plus artificieuses et plus industrieuses fonctions qui se puissent exercer, qui sont au reste remués par un esprit doué d’une mémoire qui garde fidèlement le souvenir du passé, d’un entendement qui conçoit et comprend la vérité des choses : des claires, il conclut à celles qui sont obscures ; du présent, il argumente vers l’avenir qui, par les images qu’il représente à la volonté, l’émeut et l’ébranle, la tournant vers l’affection ou vers la haine.  Toute cette nature se trouve uniforme en tous hommes, d’où il s’ensuit aussi que leur vie est toute semblable, s’entretenant et se ruinant par les mêmes moyens.

Ils naissent tous, puis ils croissent tous peu à peu, et enfin ils meurent, ou par les maladies, ou par la vieillesse, ou par quelque violence de dehors.  La peau de l’un n’est pas plus dure que celle de l’autre.  C’est une même tissure composée de diverses pièces très délicatement liées et jointes les unes aux autres, qui se défont et se gâtent par les mêmes accidents.  Nous respirons tous un même air, les mêmes aliments et le même repos nous sont nécessaires pour vivre. Et comme les climats n’y changent rien, aussi ils ne font point les diverses conditions : la pauvreté et les richesses, la gloire et la bassesse ; la noblesse et la condition roturière, l’ignorance et l’érudition, le satin et la bure couvrent une même nature, il n’y a rien de différent que ce qu’on y ajoute de dehors, ce que la nature a donné est le même partout.  Et cette sorte d’unité se trouve parmi tous les animaux de même espèce, car chacun d’eux possède à son égard une même nature.

Mais à l’égard des hommes il y a ceci de particulier, qu’étant des créatures raisonnables, ils ont un certain rapport les uns aux autres, étant créés les uns pour les autres.  Car nous ne sommes pas nés pour nous-mêmes, mais pour les autres hommes, et les autres réciproquement pour nous.

La vie des autres animaux n’a pas besoin pour la plupart d’aucune communication ; elle se soutient assez d’elle-même.  Mais l’homme étant un animal civil et politique, comme l’a admirablement bien remarqué ce même Philosophe [Aristote] dont nous avons parlé au commencement, la communication lui est extrêmement nécessaire.  Car autrement comment est -ce que la société civile, qui est entre les hommes, pourrait subsister et s’entretenir ? Et de là vient que la nature nous a premièrement gravé dans le cœur un certain désir de vivre les uns avec les autres.  La plupart des autres animaux passent leur vie dans la solitude, mais les hommes aiment l’union, et il n’y a que des esprits sauvages, fantasques et particuliers qui haïssent la société humaine.  Et c’est de là que sont nées toutes ces communautés qui sont dans le genre humain: des familles, des villes, des Républiques, des États et des Royaumes sous de mêmes chefs et sous les mêmes lois et ordonnances, les Confédérations et Alliances de divers États et Royaumes les uns avec les autres.  C’est aussi pour la même raison que Dieu nous a donné une langue capable d’exprimer les conceptions de notre esprit.  Car à quoi nous sert-elle, sinon pour la communication ?

Si chaque homme était créé pour soi-même tant seulement, il n’aurait pas besoin de la parole, laquelle ne sert que pour faire entendre à autrui ce qu’il a dans l’âme, ce qui est un signe tout manifeste que chaque homme, comme nous disions, a un certain rapport naturel aux hommes.  Et c’est proprement cette seconde communion qui est la cause pour laquelle tous les hommes sont prochains les uns des autres, puisqu’ils ont non seulement une même nature, comme étant d’une même espèce ; mais l’ont les uns pour les autres, il n’y en a aucun qui pour cette communion ne soit obligé de servir les autres de tout son possible.

Ainsi tout le genre humain est comme un seul et même corps, dont les hommes en particulier sont chacun une partie.  Et comme chaque partie du corps a son rapport et sa relation au tout et à toutes ses parties, ayant une certaine union très étroite avec elles, de même chaque homme en particulier est destiné au bien et au service des autres hommes, et doit par conséquent, de tout son pouvoir, travailler à la conservation, ornement et embellissement de ce Tout dont il fait partie.

Eric Kayayan
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