LA TERRE JOUIRA DE SON REPOS 1

Rébellion, destruction et restauration selon Lévitique 26, 2 Chroniques 36, Jérémie 25 & 34

La question du rapport des hommes à la terre qu’ils habitent et dont ils se nourrissent, la nature de l’alliance qui les lie à cette terre et à leurs prochains, ainsi que le caractère divin qui préside à cette alliance, fait l’objet de cet article en 3 volets, dont voici le premier.

Commençons par qualifier notre  question de départ : Comment est-il possible qu’une terre dévastée, laissée en friche alors que la population qui l’habitait a été soit décimée par l’ennemi, soit emmenée en captivité, puisse malgré tout jouir de son repos ?

Cette question a priori étrange se pose à nous à la lecture de quelques textes de l’Ancien Testament qui se renvoient l’un à l’autre.  Pour commencer, un premier texte provient du livre du Lévitique (chapitre 26) et fait partie de la liste des malédictions qui s’abattront sur le peuple de l’Éternel lorsqu’il continuera à être infidèle à l’Alliance que l’Éternel Dieu aura conclue avec lui, malgré tous les avertissements et appels à la repentance qui lui auront été adressés par les prophètes de l’Éternel.  Un second texte nous vient de la toute fin du second livre des Chroniques (chapitre 36), et raconte le sort que connut le peuple et le pays de Juda au moment de l’invasion de son territoire par Nabuchodonosor et les Babyloniens.

Lévitique 26, versets 33-35 :

 Quant à vous, je vous disperserai parmi les nations païennes, et je vous poursuivrai avec l’épée, votre pays sera dévasté et vos villes deviendront des monceaux de ruines.  Alors la terre jouira de ses sabbats de repos durant tout le temps qu’elle sera désolée et que vous serez dans le pays de vos ennemis ; enfin elle chômera et jouira de son repos.  Durant toute cette période où elle demeurera dévastée, elle se reposera pour les années de repos dont vous l’aurez frustrée le temps que vous l’aurez habitée.   

2 Chroniques 36, versets 15-22 :

L’Éternel, le Dieu de leurs pères, leur avait envoyé de bonne heure des avertissements par l’intermédiaire de ses messagers, car il voulait épargner son peuple et sa propre demeure. Mais ils se moquaient des messagers de Dieu, ils méprisaient ses paroles et se raillaient de ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur de l’Éternel contre son peuple monte et soit sans remède.

Alors l’Éternel fit monter contre eux le roi des Chaldéens et tua par l’épée leurs jeunes gens dans leur temple ; il n’épargna ni le jeune homme, ni la jeune fille, ni le vieillard, ni l’homme aux cheveux blancs.  Il livra tout entre ses mains.  Neboukadnetsar emporta à Babylone tous les objets de la maison de Dieu, grands et petits, les trésors de la maison de l’Éternel et les trésors du roi et de ses ministres.

Les envahisseurs incendièrent le Temple de Dieu et démolirent les murailles de Jérusalem.  Ils mirent le feu à tous les palais et détruisirent tous les objets de prix.  Nabuchodonosor fit déporter à Babylone les survivants du massacre et il en fit des serviteurs pour lui et ses fils, jusqu’à la prise du pouvoir par l’empire Perse. 

Ainsi s’accomplit la parole de l’Eternel, transmise par le prophète Jérémie ; jusqu’à ce que le pays ait joui de ses sabbats, il eut du repos tout le temps qu’il fut désolé, jusqu’à l’accomplissement de soixante-dix ans.

 Mais quelle est la prophétie prononcée par Jérémie, dont il est question ici ?  Au chapitre 25 du livre de Jérémie on lit les paroles suivantes, prononcée à Jérusalem en 605 avant Jésus-Christ, l’année même de l’accession au trône de Nabuchodonosor (Neboukadnetsar), année qui correspond d’ailleurs à la grande victoire remportée par les Babyloniens sur les Égyptiens à Karkemish, sur la rive de l’Euphrate :

Jérémie 25, versets 8-12 :

C’est pourquoi, voici ce que déclare le Seigneur des armées célestes : Puisque vous n’avez pas écouté mes paroles, je vais envoyer chercher toutes les peuplades du nord – l’Eternel le déclare – et Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui servira mes desseins.  Je les ferai venir contre ce pays et contre ses habitants, et contre toutes les nations qui l’entourent.  Je les exterminerai, je les dévasterai, j’en ferai pour toujours des ruines et l’on se moquera d’eux.  Je ferai disparaître de chez eux tous les cris de réjouissance et d’allégresse, la voix du fiancé et de la fiancée, le bruit de la meule et la lumière de la lampe.  Le pays tout entier ne sera plus que ruines et terre dévastée.  Toutes les nations seront assujetties au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.  Et au bout de ces soixante-dix ans, je demanderai compte de leur crime au roi de Babylone et à son peuple – l’Eternel le déclare –  je sévirai contre le pays des Chaldéens et je le réduirai en désert pour toujours.

Si nous prenons ces trois textes ensemble, nous observons que le Lévitique contient un avertissement prophétique concernant la ruine du pays et l’exil du peuple de Dieu s’il lui est infidèle, tout en insistant sur le fait que ce même pays dévasté jouirait du repos pendant cette période d’exil.

La prophétie de Jérémie, elle, annonce la venue prochaine de la malédiction contenue au chapitre 26 du Lévitique, car la situation de rébellion dénoncée en forme d’avertissement général dans le Lévitique, s’est développée depuis de nombreuses générations, et est en train de porter ses fruits pourris.

Le dernier chapitre du second livre des Chroniques, quant à lui, constate la venue de la malédiction sur Juda, l’exil du peuple, la désolation du pays, et en même temps le fait que, comme l’avait annoncé le Lévitique bien auparavant, la terre jouirait de ses sabbats, donc d’un repos dont elle avait été privée.  A la fin de ce chapitre (v. 22-23) la restauration du peuple juif est aussi mentionnée sous le règne de l’empereur perse Cyrus, qui entre-temps avait défait l’empire babylonien.                                                                  

Il y a donc une ligne directrice qui passe à travers ces trois textes et qui nous parle de l’accomplissement d’une malédiction annoncée comme inéluctable en cas de désobéissance continue à l’Eternel.  Mais cette ligne directrice nous parle aussi du nécessaire sabbat dont non seulement les hommes, mais aussi la terre, doit profiter, en raison même du lien allianciel entre l’homme (Adam) et la terre (adamah) sur laquelle il a été placée par Dieu pour la cultiver et la garder (Genèse 2 :7, 15).  De même que les hommes et la terre devaient se reposer durant le sabbat hebdomadaire, chaque septième année devait être une année de repos de la terre et de remise générale de dettes.  Les esclaves hébreux aux mains de leurs frères hébreux devaient aussi recouvrer leur liberté car en dernier lieu c’est à l’Éternel qu’appartenait leur vie, et non à d’autres hommes.  Cette libération faisait partie intégrale du repos offert par le sabbat divin.

Afin de mieux comprendre ceci, lisons deux autres passages du Pentateuque qui donnent des instructions précises à cet égard.

Exode 23, versets 10 à 12 :

Pendant six années tu ensemenceras ta terre et tu en récolteras les produits ; mais la septième année, tu la laisseras en jachère.  Les pauvres de ton peuple mangeront ce qu’ils y trouveront et ce qu’ils laisseront nourrira les bêtes sauvages.  Tu feras de même pour tes vignes et tes oliviers.  Pendant six jours tu feras tout ton travail, mais le septième jour tu l’interrompras pour que ton boeuf et ton âne jouissent du repos, et que le fils de ta servante et l’étranger puissent reprendre leur souffle. 

Deutéronome 15, versets 1 et 2 :

Au bout de sept ans, tu observeras la règle de la remise.  Et voici en quoi consiste la remise : Tout créancier qui aura fait un prêt à son prochain en fera remise, et il ne pressera pas son prochain et son frère quand on aura publié la remise en l’honneur de l’Éternel.  Tu pourras presser l’étranger ; mais tu feras remise de ce qui t’appartiendra chez ton frère.  Toutefois il n’y aura pas de pauvre chez toi, car l’Éternel te comblera de bénédiction dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage pour que tu en prennes possession, pourvu seulement que tu obéisses à la voix de l’Éternel, ton Dieu, en observant et mettant en pratique tout ce commandement que je te donne aujourd’hui. L’Éternel, ton Dieu, te bénira comme il te l’a dit ; tu prêteras sur gage à beaucoup de nations et tu n’emprunteras pas ; tu domineras sur beaucoup de nations, et elles ne domineront pas sur toi.

Toujours au même chapitre (v. 12-15), on lit les prescriptions suivantes sur la libération des esclaves :

Si l’un de tes frères hébreux, homme ou femme, se vend à toi, il te servira six années : mais la septième année tu le renverras libre de chez toi.  Et lorsque tu le renverras libre de chez toi, tu ne le renverras pas les mains vides. Tu le pourvoiras de présents pris sur ton menu bétail, sur ton aire, sur ton pressoir ; tu lui donneras des biens dont l’Éternel, ton Dieu, t’aura béni.  Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’a libéré ; c’est pourquoi je te donne aujourd’hui ce commandement.

 Or, à l’époque du prophète Jérémie, le non-respect des ordonnances sur le sabbat et l’étendue de l’exploitation des uns par les autres, avaient atteint un tel niveau que la terre elle-même en était épuisée.  Pour qu’elle puisse retrouver son cycle de repos il fallait qu’elle soit vidée de ses habitants, qu’elle soit donc dévastée par l’ennemi !  Voilà donc le paradoxe de la situation : il aura fallu cette dévastation apportée par les Babyloniens et l’exil d’une nation pécheresse pour permettre à la terre d’être en friche…

En fait, durant cette période d’exil de la nation, seuls les plus pauvres ont pu rester sur place pour cultiver un peu le sol, afin qu’il ne soit pas complètement abandonné.  De cette manière, ce dont on les avait privés jusque-là, la jouissance des fruits de la terre le jour du sabbat, a pu leur revenir, comme c’était l’intention divine avec l’institution du sabbat. Reprenons en effet la prescription sur le sabbat.

Exode 23, versets 10-11:

Pendant six années tu ensemenceras ta terre et tu en récolteras les produits ; mais la septième année, tu la laisseras en jachère.  Les pauvres de ton peuple mangeront ce qu’ils y trouveront et ce qu’ils laisseront nourrira les bêtes sauvages.  Tu feras de même pour tes vignes et tes oliviers. 

Donc l’exil de la très vaste majorité des habitants de Juda suite à la conquête de ce royaume, a permis aux plus pauvres des pauvres de pouvoir jouir des fruits de la terre dont on ne les avait pas laissé profiter.

Complétons ce récit par un passage du second livre des Rois.

2 Rois 25, versets 11-12 :

Nebouzaradan, chef de la garde impériale, déporta le reste de la population qui était demeuré dans la ville, ceux qui s’étaient déjà rendus au roi de Babylone ainsi que ce qui restait des habitants.  Mais il laissa une partie des gens du pays pour cultiver les vignes et les champs. 

L’Eternel a donc accompli le but du sabbat en dépit de la désobéissance de son peuple, voire en leur envoyant un châtiment des plus strict. La présence des plus pauvres sur cette terre dévastée faisait en même temps le lien avec la restauration future du peuple juif sur cette même terre, une fois les années de repos de la terre accomplies.

Il ne s’agit donc en aucun cas d’un événement fortuit, mais bien d’un jugement de Dieu sur son peuple infidèle.  Qui plus est, d’un jugement destiné à accomplir le cycle de repos du sabbat méprisé par le peuple pendant des années.  Le pays tout entier était libéré du poids oppressant des péchés de ce peuple, qui avait privé la terre elle-même du repos dont elle devait jouir.

Dans le second volet de cet article, je reprendrai les éléments présentés ici en les complétant par d’autres textes de l’Ancien Testament, notamment Lévitique 25 : 1-7 et Jérémie 34 : 8-20, ce dernier exposant la nature et l’ampleur de la désobéissance du peuple de Juda aux prescriptions de la Loi sur la libération des esclaves, et le jugement divin qui suivit cette désobéissance.

 

 

Eric Kayayan
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