LA LIBERTÉ CHRÉTIENNE SELON MARTIN LUTHER

Le Traité de la Liberté Chrétienne rédigé par le  Réformateur allemand Martin Luther en 1520 et dédié au pape Léon X (un an avant sa rupture définitive avec la papauté)  est l’un des plus grands et plus beaux écrits de son auteur, mais aussi de la littérature chrétienne en général.  Bien qu’écrit il y a bientôt cinq siècles, son contenu reste d’une actualité et d’une profondeur sans pareille.  Le thème de la liberté chrétienne y est développé en relation avec la foi, car, nous dit Luther, la liberté chrétienne nous est donnée dans la foi.  Ce n’est pas une liberté d’indiscipline du croyant à l’égard de lui-même ni de dégagement à l’égard des hommes.  Au contraire, cette liberté s’exprime dans une relation du croyant avec le monde, dans le combat propre de la foi qui lie le chrétien à ses semblables par une relation fondamentale de service.  Cette relation royale et spirituelle avec le monde ne demeure telle que dans la fermeté de la foi en Jésus-Christ.  Luther dépeint cette foi avec des images telles que celle de l’unité nuptiale, avec sa communauté de tous les biens.

Les quelques extraits présentés ici se trouvent au tout début et tout à la fin du Traité de la Liberté Chrétienne.  Ils sont tirés du second volume  de la traduction en français des œuvres de Martin Luther publiée par Labor et Fides (Genève, 1966, pages 275 à 306).  En présentant ces paragraphes (pages 275-280; 301-306), j’espère simplement que vous serez incités à lire l’ensemble du Traité, à découvrir ainsi la riche pensée de son auteur et l’attachement qui le lie à la Parole de Dieu, comme en témoignent ses nombreuses citations de la Bible, notamment de l’épître de l’apôtre Paul aux chrétiens de Rome.  Là où apparaissent des parenthèses avec trois points de suspension (…) j’ai sauté quelques phrases pour ne pas allonger cet article, mais on les retrouvera facilement en consultant l’édition mentionnée ci-dessus.

C’est une chose facile, aux yeux de beaucoup de gens, que de parler de la foi chrétienne.  Et ils sont bien nombreux ceux qui la comptent parmi les vertus, mêmes communes.  Ils font ainsi parce qu’ils n’en ont aucune expérience, qu’ils ne l’ont pas éprouvée et qu’ils n’en ont jamais goûté la grande puissance.  A quiconque ne l’a pas goûtée une fois ou l’autre du dedans, sous l’emprise des épreuves, il est impossible d’écrire quoi que ce soit de juste à son sujet ni de comprendre ce qu’on en aurait écrit de vrai.  Mais quiconque y a goûté, si peu que ce soit, ne se lassera jamais d’en parler ou d’y penser: c’est une source d’eau vive qui jaillit en vie éternelle, comme Jésus-Christ l’appelle en Jean 4.

Pour ma part, bien que je ne puisse prétendre à l’abondance et que je sache bien la modestie de mes moyens, je n’en espère pas moins avoir recueilli quelque goutte de foi, au cours d’épreuves grandes et diverses.  Et j’espère pouvoir en parler sinon avec plus d’élégance du moins de manière plus solide, je m’en assure, que n’en ont disserté jusqu’à présent ces disputeurs qui s’en tiennent à la lettre ou qui passent la mesure de la subtilité, sans même comprendre ce qu’ils disent.  Mais pour tracer une voie plus accessible aux gens d’esprit simple – c’est à eux seuls que je suis utile – je commence par les deux propositions que voici, sur la liberté et la servitude de l’esprit :

Le chrétien est l’homme le plus libre; maître de toutes choses il n’est assujetti à personne. 

L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs; il est assujetti à tous.

Ces affirmations paraissent se contredire; elles appuieront au contraire très bien notre propos, pour peu que l’on découvre leur accord.  Car elles sont l’une et l’autre de l’apôtre Paul lui-même: « Bien que je sois un homme libre à l’égard de tous, dit-il dans 1 Corinthiens 9, je me suis fait le serviteur de tous »; et en Romains 13: « Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres ». Or, l’amour est serviable par nature et il  cède à celui qui est aimé.  De même, bien que  Seigneur de toute créature, Christ est né d’une femme, il est venu se mettre sous la loi, tout à la fois libre et serviteur, tout ensemble en forme de Dieu et en forme de serviteur (…)

Occupons-nous tout d’abord de l’homme intérieur et voyons en quel sens il est juste, libre et véritablement chrétien, c’est-à-dire un homme spirituel, nouveau, intérieur.  Et il est bien évident qu’aucune chose extérieure, de quelque nom qu’on la nomme, ne contribue le moins du monde à procurer la justice ou la liberté chrétienne, pas plus qu’elle ne fait l’injustice ou la servitude; on s’en persuadera sans peine.  Que gagne l’âme en effet, à ce que le corps soit bien portant, libre, plein de vie, qu’il mange, qu’il boive et qu’il fasse ce que bon lui semble?  Il n’est pas jusqu’aux hommes impies qui n’aient ces choses en abondance, et ils sont esclaves de tous les vices!  Inversement, que font perdre à l’âme la mauvaise santé, ou la captivité ou la faim ou la soif ou tel préjudice extérieur que l’on voudra, puisqu’il arrive aux hommes les plus fidèles d’être atteints de ces misères, alors qu’en toute conscience, ils se savent parfaitement libres?  Rien de tout cela, dans un cas comme dans l’autre, ne touche ni à la liberté, ni à la servitude.  De même, il ne sert de rien d’orner le corps de vêtements sacrés, comme le font les hommes voués à la prêtrise, de hanter les lieux saints, de s’adonner aux saintes cérémonies, de prier, de jeûner, de s’abstenir de certains aliments ou de faire toutes les oeuvres dont le corps est capable: c’est tout autre chose qu’il faut pour la justice et la liberté de l’âme.  N’importe quel homme impie ne peut-il pas s’acquitter de ce que je viens de dire et tout ce zèle peut-il donner lieu à autre chose qu’à l’hypocrisie? 

En revanche ce n’est nullement nuire à l’âme que de vêtir le corps d’habits profanes, que de hanter des lieux profanes, que de manger et de boire come tout le monde, que de ne pas prier à haute voix et que de négliger toutes les choses mentionnées plus haut et qui peuvent être faites par des hypocrites.

Pour ne rien taire de ce que nous rejetons, il faut encore préciser que les spéculations elles-mêmes, les méditations et tout ce à quoi l’âme peut s’appliquer sont de nulle utilité pour la vie, la justice et pour la liberté chrétienne.  A cet égard, une seule chose est nécessaire : la très sainte Parole de Dieu, l’Évangile de Christ. Voyez Jean 11: « Je suis la résurrection et la vie; celui qui croit en moi ne mourra jamais ».  Ou encore Jean 8: « Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres »; et Matthieu 4: « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».  Il est certain – et l’on peut s’y tenir fermement- que l’âme peut se passer de tout, à l’exception de la Parole de Dieu, sans laquelle rien ne lui est utile.  Si elle a cette Parole, elle est riche, elle ne manque de rien; c’est la Parole de vie, de vérité, de lumière, de paix, de justice, de salut, de joie, de liberté, de sagesse, de force, de grâce, de gloire et de tout bien, au-delà de toute mesure.  Voilà pourquoi, tout au long du psaume 119 et en beaucoup d’autres lieux, le prophète soupire après la Parole de Dieu et l’invoque avec tant de gémissements et de cris.  Quelle plaie plus cruelle la colère de Dieu peut-elle envoyer que de ne plus faire entendre sa parole: c’est la famine dont parle le prophète Amos; de même, il n’y a pas de grâce plus grande que lorsqu’il fait retentir sa parole, comme le dit le psaume 106: Il a envoyé sa parole et il les a guéris; et il les a arrachés à leur perdition.  Christ lui-même n’a pas été envoyé pour une autre mission que pour celle de la Parole.  Et l’ordre ecclésiastique tout entier n’a pas reçu d’autre vocation et il n’a pas été institué pour un autre ministère que celui de la Parole.   

Tu demanderas peut-être quelle est cette parole, ou quel est le moyen d’en bien user : les paroles de Dieu ne sont-elles pas en si grand nombre ? Je réponds en te renvoyant à l’explication de Paul, en Romains 1 : c’est l’Évangile de Dieu qui annonce son Fils né dans la chair, qui a souffert, qui est ressuscité et qui a été glorifié par l’Esprit sanctifiant.  Il a annoncé Christ: cela signifie qu’il a plongé l’âme dans l’épouvante, qu’il l’a justifiée, affranchie et sauvée, si elle croit à cette prédication.  Car c’est dans la foi seule que se trouve l’usage salutaire et efficace de la Parole de Dieu, comme le dit Romains 10: « Si ta bouche confesse que Jésus est le Seigneur et si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. »  Et encore, Romains 1:17: « Le juste vivra par la foi ».  Car, à l’exclusion des oeuvres, c’est la foi seule qui peut accueillir et honorer la Parole de Dieu.  Il est donc évident que l’âme n’a besoin que de la seule Parole pour accéder à la vie et à la justice, et qu’ainsi elle est justifiée par la foi seule et non par des oeuvres.  Si elle pouvait être justifiée par autre chose, elle n’aurait pas besoin de la Parole ni, dès lors, de la foi. Il est bien vrai que la foi ne saurait subsister avec des œuvres, si grandes soient-elles, par lesquelles on penserait être justifié en même temps que par la foi : ce serait clocher des deux pieds, adorer Baal et lui baiser la main, ce qui est bine la pire des iniquités, comme le dit Job.

 C’est pourquoi, pour peu que tu commences à croire, tu apprends du même coup qu’il n’y a en toi que culpabilité, péchés, et que tout en toi est digne de condamnation.  C’est ce que dit Romains 3: « Il n’y a point de juste, il n’y en a pas un qui fasse le bien.  Ils se sont tous égarés et les voici réduits à rien. »  Si tu le reconnais, tu sauras que Christ t’est nécessaire, lui qui a souffert et qui est ressuscité pour toi afin que tu croies en lui et que, par cette foi, tu sois un homme nouveau, ayant reçu le pardon de tous tes péchés, un être justifié par les mérites d’un autre: ceux de Christ seul. 

Cette foi n’a son domaine propre que dans l’homme intérieur, comme le dit Romains 10: « C’est en croyant du coeur que l’on vient à la justice ».  Comme seule cette foi justifie, il est manifeste que l’homme intérieur ne saurait jamais être justifié, affranchi ni sauvé par une oeuvre ou par une entreprise extérieures; aucune oeuvre, quoiqu’elle puisse être, ne pénètre jusqu’à lui.   Inversement, ce ne sont pas un péché ou une oeuvre extérieure mais seules son impiété et l’incrédulité de son coeur qui font de lui un homme coupable et un esclave du péché, promis à la condamnation.  C’est pourquoi, laissant de côté ce qu’il pensait des oeuvres, le premier soin de tout chrétien doit être d’affermir sa foi de plus en plus et, par elle, de croître dans la connaissance: non la connaissance des oeuvres mais celle du Christ Jésus qui est mort et ressuscité pour lui.  Aucune autre oeuvre ne fait d’un homme un chrétien.  C’est ce que Christ répondit un jour – voyez Jean 6- aux Juifs qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire pour accomplir les oeuvres de Dieu.  Repoussant la multitude des oeuvres, dont il les voyait tout fiers, il leur prescrivit une seule chose: « C’est ici l’oeuvre de Dieu, dit-il, que vous croyiez à celui qu’il a envoyé, car c’est lui que le Père a désigné. » 

Une foi droite en Christ est donc un trésor incomparable, qui porte en soi la plénitude du salut et qui sauve de tout mal, comme le dit Marc en son dernier chapitre: « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné ».  Ayant entrevu ce trésor, Ésaïe a prédit – chapitre 10 – que « le Seigneur ferait venir sur terre sa parole en une somme abrégée et comme un feu consumant et que, en s’accomplissant, cette abbréviation inonderait la terre de justice. »  C’est comme s’il disait que la foi qui est, en bref, la plénitude achevée de la loi, remplira les croyants d’une justice si grande qu’ils n’auront besoin de rien d’autre pour y parvenir.  Paul ne s’exprime pas autrement en Romains 10: « C’est en croyant de coeur que l’on parvient à la justice. »

Luther s’appuie sur de nombreux passages de la lettre de Paul aux Romains, dans le Nouveau Testament, pour parler de la foi qui seule justifie le croyant devant Dieu.  Il pose ensuite la question de savoir comment il se fait que la foi seule justifie et que, sans le concours des oeuvres, elle nous mette en possession d’un trésor de biens si considérables: pourquoi  un si grand nombre d’oeuvres, de cérémonies, de lois nous sont-elles alors prescrites dans la Bible? Il invite ses lecteurs à considérer que l’Écriture, c’est-à-dire la Bible, est faite de deux parties: les préceptes et les promesses :

Les préceptes enseignent ce qu’il est bon de faire.  Mais l’exécution ne suit pas aussitôt le commandement!  Les préceptes nous montrent ce que nous avons à faire, mais ils ne donnent pas le pouvoir de le faire.  Ils sont destinés à révéler l’homme à lui-même; il faut que, par eux, il connaisse son impuissance à faire le bien et qu’il désespère de ses forces.  C’est pour cela qu’ils sont appelés du nom d’Ancien Testament et qu’ils sont effectivement un ancien testament.  C’est ainsi qu’en nous disant: « Tu ne convoiteras pas », le précepte nous convainc tous de péché, car personne ne peut s’empêcher de convoiter, quoi qu’il fasse pour s’y opposer. Pour qu’il ne convoite pas et qu’il accomplisse le commandement, il est amené à désespérer de lui-même et à chercher ailleurs et par le moyen d’un autre le secours qu’il ne trouve pas en soi. 

 C’est bien ce que dit le prophète Osée: « Dans ta perdition, Israël, ton secours n’est qu’en moi ».  Ce qui est vrai pour ce précepte particulier l’est aussi pour tous les autres: il n’est pas en notre pouvoir d’en accomplir un seul.  Lorsque les préceptes ont fait connaître à l’homme son impuissance et que le voilà anxieux de savoir ce qu’il pourra bien faire pour satisfaire à une loi dont aucune lettre ni aucun trait ne sauraient être négligés, (faute de quoi l’on est perdu sans espoir) alors, vraiment humilié et réduit à néant à ses propres yeux, il ne trouve rien en lui-même qui le justifie ou qui le sauve.  Voici alors la seconde partie de l’Écriture.  Ce sont les promesses de Dieu, qui annoncent la gloire de Dieu et qui te disent: « Si tu veux accomplir la loi et ne pas convoiter, comme elle l’exige, eh bien, toi, crois en Christ en qui te sont promises la grâce, la justice, la paix, la liberté et toutes choses.  Si tu crois, elles seront à toi; si tu ne crois pas, tu en seras privé ».  Car ce que toutes les oeuvres de la loi, si nombreuses et pourtant inutiles, ne te permettent pas de faire, tu l’accompliras facilement en prenant le raccourci qu’est le chemin de la foi.  Car Dieu le Père a tout mis dans la foi pour que quiconque a la foi possède toutes choses et celui qui ne l’a pas ne possède rien.  Les promesses de Dieu donnent donc ce que les préceptes exigent et elles accomplissent ce que la loi ordonne, de telle sorte que tout vient de Dieu seul: les préceptes et leur accomplissement.  Il ordonne, lui seul, et, seul aussi, il accomplit.  Les promesses de Dieu appartiennent donc au Nouveau Testament; que dis-je, elles sont proprement le Nouveau Testament.  Or, ces promesses de Dieu sont des paroles saintes, vraies, justes; ce sont des paroles de liberté, d’apaisement et pleines de toute bonté: l’âme donc, qui s’attache à elles d’une foi ferme, leur est tellement unie et, plus exactement, elle s’y absorbe si entièrement, qu’elle ne se borne pas à participer à toute leur vertu mais qu’elle en est rassasiée jusqu’à l’ivresse.  Si, en effet, le contact du Christ procurait la guérison, combien plus ce contact subtil en esprit ou, mieux, cette absorption en sa parole, communiquent-ils à l’âme tout ce qui appartient à la parole!  C’est donc ainsi, par la foi seule, sans le concours des oeuvres, que la parole de Dieu justifie l’âme, la sanctifie, la conduit dans la vérité, l’apaise, l’affranchit, la comble de tout bien et fait d’elle un enfant de Dieu.  « A ceux qui croient en son nom, dit la première lettre de Jean, il a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu».

A la toute fin de son Traité de la Liberté Chrétienne,  Luther conclut avec un avertissement contre ceux qui comprendraient mal, ou déformeraient son propos:

Ils sont très nombreux sont ceux qui, entendant prêcher cette liberté attachée à la foi, s’en feront bientôt une occasion de débordement et de permissivité.  Ils penseront que tout leur est aussitôt permis, ne retenant que l’apparence de la liberté et de la condition chrétienne, en se contentant  de mépriser et de blâmer les cérémonies, les traditions, les lois faites par les hommes, comme s’ils étaient chrétiens parce qu’ils ne jeûnent pas aux jours établis ou parce qu’ils mangent de la viande alors que les autres jeûnent ou par ce qu’ils ne font pas les prières usuelles, se moquant bien  des préceptes humains, reléguant à la dernière place les autres choses qui appartiennent vraiment à la religion chrétienne.  A ces gens s’opposent par ailleurs obstinément ceux qui ne s’efforcent de parvenir au salut qu’en s’acquittant des cérémonies et en les entourant de respect, comme s’ils faisaient leur salut en jeûnant ou en s’abstenant de viande aux jours établis, ou en prononçant certaines prières, en vantant les préceptes de l’Église, tout en ne faisant pas le moindre cas de ce qui appartient vraiment à notre foi.  Les uns ne sont pas moins coupables que les autres, en ce qu’ils négligent les choses plus importantes et nécessaires au salut, tout en se disputant pour d’inutiles bagatelles.

 Beaucoup plus justement, l’apôtre Paul enseigne à marcher entre ces deux voies: il condamne à droite et il condamne à gauche. « Que celui qui mange, dit-il, ne méprise pas celui qui ne mange pas et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui mange ».  On voit bien que l’apôtre blâme ici ceux qui ne négligent et ne critiquent pas les cérémonies à cause de la foi, mais qui le font par pur mépris: la connaissance les remplit d’orgueil, dit-il, et il enseigne à proscrire le mépris.  Il enseigne aux autres obstinés à ne pas juger les premiers.  Car ni les uns ni les autres ne gardent l’amour qui les édifierait mutuellement.  Il faut donc que nous prêtions ici l’oreille à l’écriture Sainte, qui nous enseigne  à ne dévier ni à droite ni à gauche et à suivre les droits chemins du Seigneur qui réjouissent le coeur.  Car si personne n’est juste simplement parce qu’il s’adonne aux cérémonies rituelles, il ne sera pas davantage tenu pour juste en les négligeant et en les méprisant. 

La foi en Christ, en effet, ne nous affranchit pas des oeuvres, mais de l’opinion qu’on en a: la sotte présomption de chercher la justification par leur moyen.  Ce sont nos consciences que la foi rachète, qu’elle redresse et qu’elle sauve.  Par cette foi nous savons que la justice ne consiste pas dans des oeuvres, bien qu’elles ne puissent ni ne doivent manquer, de même que nous ne pouvons pas subsister sans aliments, sans boisson et sans que s’exercent toutes les fonctions de notre corps mortel.  Si ce n’est pas dans ces oeuvres que notre justice consiste, il n’est pas permis, pour autant, de les mépriser ni de les négliger.  « Mon règne n’est pas de ce monde » , a dit Jésus-Christ, mais il n’a pas dit: «  Mon règne n’est pas dans ce monde ».  « Bien que nous vivions dans la chair, dit aussi l’apôtre Paul, nous ne combattons pas selon la chair ».  Et encore, en Galates 2: « Si je vis dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu » (…)

 On en déduira que les cérémonies n’ont pas d’autre place dans la vie chrétienne que n’en ont pour les charpentiers et pour les artisans en général les aménagements préparatoires pour leurs travaux (tels que la construction d’échafaudages).  L’intention n’est pas, avec cela, de faire vraiment quelque chose qui demeure, mais sans cet échafaudage, rien ne saurait être bâti ou réalisé.  Lorsque la construction est achevée, ces moyens disparaissent.  Il est donc clair que l’on ne dédaigne pas ces derniers, on en fait au contraire le plus grand cas; ce que l’on méprise, c’est l’opinion qui considère cet échafaudage comme étant l’ouvrage définitif.  Or, si la folie d’un homme était assez grande pour que, de toute sa vie, il n’ait d’autre souci que de vaquer à ces travaux auxiliaires, en y mettant le plus grand soin et avec la plus grande obstination tout en n’accordant aucune pensée à l’ouvrage lui-même, est-ce que chacun ne prendrait pas en pitié ses folies et ne penserait pas qu’avec tout ce qui est dépensé en pure perte on aurait pu faire quelque chose de grand?  De même, ce ne sont ni les cérémonies ni les oeuvres que nous méprisons: nous en faisons le plus grand cas, au contraire.  Mais nous méprisons l’opinion qui fait de ces oeuvres la véritable justice.

 Mais d’elles-mêmes, la nature et la raison humaines sont superstitieuses et promptes à penser que toutes les lois et toutes les oeuvres qu’on propose permettront de parvenir à la justice.  Il faut prier afin que ce soit le Seigneur qui nous entraîne, que ce soit sa Parole qui nous instruise, que nous soyons obéissants à Dieu et que, selon sa promesse, il inscrive lui-même sa loi dans nos coeurs, faute de quoi c’en est fait de nous.  S’il n’enseigne pas dans nos coeurs cette sagesse mystérieuse et cachée, notre raison naturelle ne peut que la condamner et la tenir pour un faux enseignement, car elle en est choquée et elle n’y aperçoit que de la folie. 

Et Luther de conclure par ces mots:

Dieu veuille prendre pitié de nous et faire resplendir sa face sur nous, afin que nous connaissions sa voie sur la terre et son salut parmi toutes les nations.  Qu’il soit béni aux siècles des siècles.  Amen.

 

Eric Kayayan
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