L’ÉGLISE SOUS LA CROIX (1)

Parler de l’Eglise de Jésus-Christ aujourd’hui, en ce premier quart du vingt-et-unième siècle, c’est bien souvent parler d’une Eglise en proie aux persécutions de toutes sortes.  Dans de nombreux pays du monde, une persécution violente sévit contre les disciples de Jésus-Christ, qui parfois paient jusqu’au prix de leur vie leur fidélité à leur Seigneur et Roi.  Rien d’étonnant à cela, puisque celui-ci a averti ses disciples durant sa vie sur terre: Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: le serviteur n’est pas plus grand que son maître.  S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi (Jean 15:20).  Ces paroles prophétiques se sont réalisées très rapidement: la toute première communauté chrétienne de Jérusalem a subi une violente persécution au début de son existence, persécution qui est relatée au livre des Actes des Apôtres, dans le Nouveau Testament.  Un des instigateurs de cette persécution contre les Juifs qui avaient cru en Jésus-Christ comme étant le Messie promis depuis longtemps, n’était autre qu’un certain Saul de Tarse, un Juif lui-même qui allait pourtant devenir un des plus puissants instruments de la prédication chrétienne après sa dramatique conversion à Jésus-Christ.  A cause de cette prédication, Paul paiera lui aussi du prix de sa vie sa fidélité à Christ, étant condamné à mort sous le règne du tristement célèbre empereur romain Néron, probablement vers l’an 66 de notre ère.

Au cours de l’histoire, de très nombreuses persécutions allaient illustrer ces paroles de Jésus-Christ à ses disciples, que l’on trouve au chapitre treize de l’Evangile de Marc: Prenez garde à vous-même; on vous livrera aux tribunaux, et vous serez battus de verges dans les synagogues; vous comparaîtrez devant les gouverneurs et devant les rois, à cause de moi, pour leur servir de témoignage.  (…) Quand on vous emmènera pour vous livrer, ne vous inquiétez pas d’avance de ce que vous direz, mais dites ce qui vous sera donné à l’heure même; car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit Saint.  Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant: les enfants se soulèveront contre leurs parents et les feront mourir.  Vous serez haïs de tous à cause de mon nom, mais celui qui perséverera jusqu’à la fin sera sauvé.

Ce que l’histoire nous apprend, c’est que bien des persécutions sont intervenues au sein même de l’Eglise, c’est-à-dire que des chrétiens fidèles ont été emprisonnés voire mis à mort par des autorités ecclésiastiques qui ne supportaient pas que la Parole de Jésus-Christ et son autorité soient placées au-dessus de leur propre autorité.  Ainsi s’est aussi accompli l’avertissement prophétique adressé par Jésus à ses disciples suivant lequel la persécution des chrétiens fidèles viendrait de l’intérieur même de l’institution ecclésiastique: il parle en l’occurrence de la synagogue juive, mais ses paroles s’appliquent tout aussi bien à de nombreuses institutions ecclésiastiques au cours des siècles.  Il faut aussi rappeler que pendant très longtemps, en Europe, on a considéré toute personne ne partageant pas les convictions religieuses de la puissance publique (roi, prince, autorités officielles) comme faisant courir un risque de contamination au corps social en général, et donc comme menaçant l’unité politique.  A ce titre, une telle personne n’avait le choix qu’entre une abjuration de ses propres convictions, un exil, ou encore la prison et la mort.  De même que le membre gangrené d’un corps devait être amputé sous peine de risquer une gangrène totale et la mort inéluctable (car on ne savait comment arrêter l’infection autrement), celui ou celle qui  niait publiquement les articles de foi communément acceptés, garants de la cohésion religieuse, sociale et politique, devait être amputé du corps social, sous peine d’en menacer la survie.  Cela s’est appliqué par delà les différentes confessions chrétiennes qui prévalaient dans différents pays ou régions d’Europe.

Au cours de cet article et des suivants, je voudrais relater la manière dont des Français ont été persécutés vers la fin du dix-septième siècle et durant la première moitié du dix-huitième siècle par les autorités ecclésiastiques et le gouvernement du roi de France, parce qu’ils étaient fidèles à l’Evangile de Jésus-Christ.  Cette triste période de l’histoire de l’Eglise en France est très bien documentée, grâce à toutes sortes de récits contemporains et aux archives officielles qui ont été conservées.

Mais pour bien comprendre ce qui se passait en France il y a entre deux cent cinquante et trois cents ans, il nous faut brièvement remonter plus haut dans l’histoire, c’est-à-dire à la fin du seizième siècle, le siècle de la Réforme protestante en Europe.

Les désastreuses guerres de religion entre protestants et catholiques en France, s’étaient terminées avec le fameux Edit de Nantes promulgué en 1598 par le roi Henri IV.  Celui-ci, protestant d’origine car sa mère la reine Jeanne d’Albret avait de très fortes convictions réformées, s’était fait catholique pour pouvoir monter sur le trône de France, qui autrement lui aurait été inaccessible.  L’Edit promulgué par Henri IV à Nantes accordait aux protestants de France le droit d’exercer leur religion en toute sûreté, ainsi que des droits d’auto-défense au cas où ils seraient menacés, avec une centaine de places fortes, surtout dans la moitié sud du pays.  Leurs droits civiques étaient restaurés, en politique ils avaient accès à tous les emplois. Cependant cet Edit de tolérance alors unique en Europe, avait suscité de nombreuses oppositions, notamment de la part des parlements provinciaux.

Après l’assassinat d’Henri IV en 1610, son successeur Louis XIII fit petit à petit supprimer les garanties militaires, car le gouvernement central craignait un Etat dans l’Etat, avec toutes ces places fortes.  Après un siège de quatorze mois de la ville protestante de La Rochelle, qui fut finalement prise malgré l’aide anglaise, l’édit d’Alès de 1629 mit fin à ces garanties militaires et aux assemblées politiques.  Puis, petit à petit, on assista à la réduction des droits civiques et religieux des protestants en France.  La liberté de culte fut de plus en plus réduite, les temples étant fermés les uns après les autres.

Le roi Louis XIV, qui avait succédé à son père et pris le pouvoir en 1661, instaura dès 1681 une politique violente pour forcer les conversions à la religion officielle: dans la province du Poitou, l’intendant Marillac envoya  des compagnies de soldats, les dragons, qui logeaient chez les habitants protestants et commettaient toutes sortes d’exactions pour les contraindre à abandonner leur foi.  Ces dragonnades furent la cause de nombreuses conversions forcées, et furent étendues à d’autres provinces.  Comme un arrêt royal interdisait toute conversion au protestantisme, ceux qui, par faiblesse ou lâcheté, avaient abandonné leur foi mais s’étaient ravisés et souhaitaient y revenir, ne le pouvaient plus sous peine de poursuites judiciaires.  Vers 1685, il ne restait plus que deux cents temples dans tout le pays.  Alors, le roi, conseillé par sa seconde épouse, Madame de Maintenon, et son confesseur, le père Lachaise, décida de révoquer l’Edit de Nantes, prétextant qu’il était devenu inutile puisque le Protestantisme avait été réduit, en apparence tout au moins, à une peau de chagrin.  Le droit de culte était révoqué, les pasteurs ou ministres du culte étaient bannis et avaient quinze jours pour quitter le pays, tandis que ceux qui acceptaient de se convertir au catholicisme jouissaient de faveurs.  Il était en revanche interdit à la population d’émigrer à l’étranger, dans des pays voisins accueillants. Tout homme pris aux frontières serait envoyé aux galères, les femmes seraient jetées en prison ou enfermées dans des couvents.

Durant ces années, et jusqu’à 1700, deux cent mille personnes émigrèrent cependant, et cette émigration se poursuivit jusque vers 1763, c’est-à-dire près de quatre-vingts ans après la Révocation de l’Edit de Nantes.  En tout quelque deux cent soixante mille personnes émigrèrent, ce qui causa à la France d’alors une terrible hémorragie démographique économique et culturelle, que tout le monde s’accorde à reconnaître aujourd’hui.  Une classe entière d’hommes et de femmes instruits et laborieux allait enrichir des pays voisins comme l’Angleterre, les Pays Bas, la Suisse ou l’Allemagne.  Une poignée de ces protestants allait même, à partir des Pays Bas, s’installer à l’extrême pointe sud du continent africain, au Cap de Bonne Espérance, à partir de 1688.

Et pourtant, en France même, il restait encore beaucoup de protestants qui ne voulaient ou ne pouvaient émigrer: laissés sans pasteurs, sans lieux de culte, forcés de faire baptiser leurs enfants dans un rite qui allait contre leurs convictions les plus  profondes, ils commencèrent à se réunir en assemblées secrètes pour exercer leur culte: c’est ce qu’on appelle, en France, la période du Désert, car ces assemblées se tenaient dans des lieux écartés dans les provinces du Languedoc, du Poitou, du Dauphiné ou du Vivarais.  Il était fréquent que des laïcs les dirigent.  Petit à petit un groupe d’hommes courageux se leva pour présider à  ces assemblées.  Souvent sans instruction, pourchassés par l’administration royale, obligés de se terrer, souvent aussi victimes de la délation, car on promettait de fortes sommes à qui les dénoncerait, ils maintinrent en France l’Eglise sous la Croix, récitant par coeur des sermons de pasteurs dont ils avaient pu se procurer des copies, apportant une consolation aux fidèles, baptisant les enfants ou célébrant le repas du Christ, la Sainte Cène.  Beaucoup furent pris, jugés et condamnés à mort.  Les dernières exécutions eurent lieu en 1762.  Cependant, dès le début du dix-huitième siècle, sous l’impulsion du pasteur Antoine Court réfugié aux Pays Bas, une organisation ecclésiastique s’était mise en place pour coordonner et régler ces communautés du Désert.  Le premier synode clandestin eut lieu sous sa direction en 1715, l’année même de la mort de Louis XIV.

Ce sont quelques épisodes de cette période du Désert que je raconterai dans les prochains articles publiés sur ce blog.  En m’inspirant d’un ouvrage écrit il y a plus d’un siècle par le pasteur Daniel Benoit, ouvrage justement intitulé “L’Eglise sous la Croix”, j’évoquerai la vie et la mort en martyr de Fulcran Rey, l’une de ces figures héroïques du Désert qui maintint l’Eglise de Jésus-Christ en France durant cette sombre période.

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