JACQUES SAURIN : SUR LES PROFONDEURS DIVINES 1


Ô profondeur des richesses, de la sagesse et de la connaissance de Dieu !  Que ses jugements sont impénétrables, et que ses voies sont incompréhensibles.

Romains 11 :33

Le pasteur Jacques Saurin, né à Nîmes en 1677 et mort à La Haye en 1730, est sans doute l’un des plus grands prédicateurs du Refuge protestant (ce terme recouvrant les pays voisins qui ont accueilli les Huguenots français persécutés par la monarchie de Louis XIV, particulièrement après l’Édit de Fontainebleau de 1685, qui révoquait l’Édit de Nantes).  Pasteur de la communauté protestante française de la Haye après avoir été soldat au service du Piémont puis étudiant en philosophie et en théologie à Genève, sa prédication puissante, insistant sur la nécessité de la conversion quotidienne à Christ au milieu des tentations mondaines de toutes sortes, a connu un grand retentissement, en partie grâce à la publication de ses sermons à partir de 1708.  Les éditions (dont certaines en anglais et en allemand) se sont succédées jusqu’au milieu du 19e siècle. C’est grâce à une réimpression par Pierre Thierry Benoit (2017) du texte en orthographe modernisée de l’édition publiée à Paris en 1829 (vol 1 & 2, p. 98-122) que l’extrait suivant du sermon sur les profondeurs divines peut être présenté avec quelques très légères modifications pour une compréhension optimale. Il s’agit de la première des quatre voies par lesquelles Dieu se donne à connaître à l’homme, à savoir l’idée de la divinité.

 

 

saurin1-hr2(…) L’apôtre propose une maxime générale : d’un sujet particulier, l’apôtre prend occasion d’établir une vérité universelle ; c’est que la grandeur divine est telle, qu’elle absorbe nos conceptions et nos pensées, et que c’est porter la témérité à son comble, que de vouloir réduire la conduite de Dieu au niveau de notre faible raison.

C’est ce que nous devons prouver. Suivez-nous, venez apprendre, chrétiens, à vous connaître vous-mêmes, et à sentir votre petitesse.  Nous allons vous ouvrir quatre abîmes, en vous faisant envisager la divinité sous quatre différentes faces.  Nous allons vous donner quatre sujets de vous écrier avec l’apôtre : Ô profondeur ! Les quatre voies dont Dieu se sert pour se faire connaître à l’homme, et qui sont en effet quatre miroirs de ses perfections, sont en même temps quatre abîmes, où notre faible raison se perd.  Ces voies sont :  l’idée de la divinité, la nature, la providence, la révélation. Voilà quatre chemins, si j’ose ainsi dire, tout rayonnants de lumière ; mais en même temps voilà quatre abîmes tout couverts d’une obscurité digne d’adoration.

Le premier miroir où nous contemplons la divinité, et en même temps le premier abîme où notre faible raison se trouve égarée, c’est l’idée des perfections divines.  C’est une voie qui nous conduit à Dieu ; c’est un miroir de la divinité.  Pour le prouver, il n’est pas besoin que nous examinions d’où nous avons puisé cette idée, si elle nous est naturelle, ou si elle nous est acquise, si nous la devons à ceux qui nous donnèrent la naissance, ou à ceux qui prirent soin de notre éducation ; si elle vient immédiatement de l’auteur de notre être, qui l’a gravée dans notre âme, ou si nous l’avons formée nous-mêmes par un enchaînement de principes et de conséquences : question si agitée dans l’école [l’enseignement de la méthode et pensée scolastique dans les écoles et collèges] tant de fois établie et tant de fois combattue, et sur laquelle chacun semble dire des choses si claires et si solides, quoiqu’opposées.  Toujours sais-je, par moi-même que j’ai l’idée d’un être souverainement parfait, et dont je ne pourrais séparer une seule perfection, sans détruire l’essence de son sujet.  Je sais même qu’il doit y avoir hors de moi un objet qui réponde à cette idée ; car par le fait même que je pense, et que je sais que je ne suis pas l’auteur de cette faculté qui pense au-dedans de moi, j’ai lieu de conclure qu’une cause étrangère l’a produite. Si cette cause étrangère est un être qui tire son existence d’une autre cause étrangère, il faut remonter nécessairement de degré en degré, jusqu’à ce que nous trouvions celui qui tire son existence de son propre fonds. L’être qui tire son existence de son propre fonds, c’est l’être infini. J’ai donc l’idée de l’être infini.  Cette idée n’est pas une chimère de mon esprit ; c’est le portrait d’un original qui existe indépendamment de mes réflexions.  Voilà la première voie par où nous allons jusqu’au Créateur : voilà le premier miroir de ses perfections.

Mais que cette voie a de profondeurs ! Mais que ce miroir est obscur ! Et que mon âme est confondue lorsqu’elle veut, si j’ose ainsi dire, voguer sur cet océan !

(…) Oui, Dieu subsiste depuis des révolutions infinies de siècles : cependant il n’est susceptible ni de passé ni d’avenir. Cet amas de siècles écoulés, que la rapidité des temps a emportés, sont aussi présents à ses yeux que le moment indivisible où nous subsistons, et l’avenir le plus reculé ne saurait mettre aucun voile qui cachât à ses yeux les choses qui sont à naître.  Il réunit dans un seul point le passé, le présent, et l’avenir.  Il est par excellence : Je suis celui qui suis.  Il ne perd rien par les années consumées, il n’acquiert rien par celles qui leur succèdent. Oui, Dieu remplit tout, sans avoir de lieu.  Montez au-delà des voûtes des cieux, il y est, descendez dans le sépulcre, l’y voilà ; prenez les ailes de l’aube du jour et logez-vous à l’extrémité de la mer, là sa main vous conduira, là sa droite vous saisira ; couvrez-vous des ombres de la nuit, la nuit même lui servira de de lumière autour de vous (Psaume 139 :8 ss).  Cependant il n’a point de lieu, et cette qualité par laquelle notre corps est renfermé dans l’enceinte de ces murs, et s’ajuste avec les parties de cet air qui nous environne, ne saurait convenir à sa spiritualité.  Dieu parcourt tout sans mouvement. La promptitude de l’éclair, qui dans un instant passe de l’Orient à l’Occident, ne peut égaler la rapidité avec laquelle son intelligence monte jusqu’au plus haut des cieux, descend au fond des abîmes, et visite dans un moment toutes les parties de l’univers.  Cependant il est immobile ; pour se trouver dans un lieu, il n’abandonne point un autre lieu, demeurant avec ses disciples sur la terre, lors même qu’il se trouve au ciel, dans le centre de la félicité et de la gloire.  Sa volonté constitue sa puissance et sa puissance n’est point distincte de sa volonté.  Toutes les créatures de l’univers doivent leur existence à un seul acte de sa volonté, et mille mondes nouveaux n’attendent qu’un acte pareil pour sortir du néant et pour paraître avec éclat.  Dieu est au-dessus de tout, tout étant soumis à sa puissance ; au-dedans de tout, tout étant un écoulement de sa volonté ; avant tout, après tout.

Guinde ton imagination, créature faible, mais superbe : fais des efforts de génie, élève ta méditation ; concentre-toi dans tes pensées ; vois si tu pourras atteindre à comprendre une existence sans commencement, une durée sans succession, une présence sans circonférence, une immobilité sans situation, une agilité sans mouvement, et tant d’autres attributs, où la langue, moins puissante pour s’expliquer que l’âme pour concevoir, ne saurait trouver d’expression.  Vois, pèse calcule. Ce sont les profondeurs de l’abîme, qu’y connaîtrais-tu ?  Crions donc sur le bord de cet abîme, Ô profondeur ! (Job 11 :8)

 

Eric Kayayan
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