Dans son sermon sur les versets 12 à 14 du Psaume 147, qui fait partie d’un recueil de vingt sermons publiés en 1653, le pasteur Jean Daillé (1594-1670) écrit ceci:
D’entrée le Prophète adressant son propos à Jérusalem lui commande de louer le Seigneur. Puis il lui représente ensuite quatre de ses bénéfices. Le premier, qu’il renforce les barres de ses portes ; le deuxième, qu’il bénit ses enfants au milieu d’elle ; le troisième, qu’il la rassasie de la moëlle de froment. Ce sont comme les colonnes d’un état, et les principales parties de la prospérité : la force des places, la multitude du peuple et la paix, et l’abondance des biens nécessaires au soutien de la vie humaine. Il adresse particulièrement à Jérusalem – c’est-à-dire aux habitants de cette ville sacrée – le commandement de louer Dieu, parce que de tous les hommes ceux-ci étaient particulièrement consacrés à célébrer le nom du Seigneur.
Il est bien vrai que les bénéfices innombrables que Dieu épandait sur les autres nations les obligeaient aussi à ce devoir. Car il les visitait aussi (Actes 14 :17) et leur faisait sentir les effets de sa providence, les éclairant de sa lumière, leur donnant les pluies du ciel, et saisons fertiles, et remplissant leurs cœurs de nourriture et de joie, et gouvernant au milieu d’elles l‘ordre de la nature et les sociétés des états, pour les exciter par ces témoignages de sa bonté à le chercher, si en quelque façon elles pourraient le toucher comme en tâtonnant, et le trouver (Actes 17 :17) ; et leur mettant devant les yeux pour cet effet dans les ouvrages de ses mains, comme en autant de riches tableaux, les admirables enseignement de sa puissance éternelle et de sa divinité. Mais malgré tous ces soins que Dieu avait des peuples du monde, ils le méconnurent, et par une horrible ingratitude délaissant le Créateur béni éternellement, servirent la créature, et changèrent la gloire de Dieu incorruptible en la ressemblance et image de l’homme corruptible, et des plus chétifs animaux, comme qui ornerait quelque vilaine bête de la couronne et du diadème d’un grand Monarque.
C’est pourquoi le Prophète les laisse là, comme des gens aveugles et muets, qui n’avaient aucun sentiment de la grandeur de ce souverain Seigneur, comme des personnes profanes et souillées, indignes et incapables d’entonner les louanges d’un Dieu si saint et si glorieux. Il n’en donne la charge qu’aux Israélites, seuls instruits en ses mystères, seuls sanctifiés à une fonction si excellente. Car il n’appartient pas à des bouches profanées et salies des ordures de l’idolâtrie et du vice, de prononcer ou de célébrer un nom si saint et si vénérable. Et si quelqu’un de ces gens-là est si osé que de l’entreprendre, le Seigneur a de telles louanges en abomination, et réprime son insolence avec ces paroles terribles que nous lisons ailleurs dans ces Psaumes (Ps. 50 :16-17): Qu’as-tu que faire de réciter mes statuts, et de prendre mon alliance en ta bouche, vu que tu hais la correction et jettes mes paroles derrière toi ? Ce devoir ne convient qu’aux âmes saintes et purifiées, selon ce que le psalmiste chante dans un autre lieu, que la louange du Seigneur est bien séante aux hommes droits (Ps. 33 :1). Elle n’est pas bien en la bouche des autres. Elle y est d’aussi mauvaise grâce qu’une bague au groin d’une truie, pour appliquer à ce propos ce que le Sage dit sur un autre dans le livre de ses Proverbes (11 :22).
C’est donc avec beaucoup de raison que le Prophète ordonne particulièrement aux fidèles, aux enfants du peuple de Dieu, de louer son nom. Chers Frères, si nous sommes véritablement leurs héritiers, comme nous en faisons profession, ne laissons pas perdre cette partie de leur succession. Conservons et exerçons cette sacrée charge, dont le Seigneur nous a honorés, d’être les chantres de son nom, ordonnés pour publier ses louanges dans le monde. Faisons état qu’il nous a consacrés à ce devoir, nous établissant ses Sacrificateurs, les prémices de toutes ses créatures, et par manière de dire, les bouches de toute la terre, pour comparaître continuellement devant sa souveraine majesté, et lui offrir au nom de toutes les créatures le sacrifice de louange et de glorification qui lui est dû. Respectons une si haute dignité, et nous donnons bien garde de souiller nos personnes dans le commerce des vices et des vanités du monde, puisqu’elles sont destinées au service et à la louange d’un si grand Dieu, c’est-à-dire au plus glorieux emploi du monde, qui est proprement le partage des anges, ces esprits bienheureux n’ayant point de titre plus relevé que celui des chantres du Seigneur. Puisque nous avons l’honneur de leur être associés en cette sainte charge, imitons leur pureté ; nettoyons nos âmes et nos bouches, et revêtons-nous de leur sainteté pour pouvoir dignement tenir notre partie avec eux dans le concert de cette divine musique.