“TU NE PORTERAS PAS DE FAUX TÉMOIGNAGE CONTRE TON PROCHAIN”: JEAN DAILLÉ SUR LE 9e COMMANDEMEMENT

Dans la série de sermons sur le Catéchisme de Genève prêchés au 17e siècle  par le pasteur Jean Daillé en l’Église de Charenton, celui sur les 8e et 9e commandements retient ici notre attention, particulièrement la seconde section sur le faux témoignage contre son prochain.  Après avoir traité du faux témoignage porté devant une cour de justice, Daillé met en évidence le caractère de faux témoignage des calomnies, dénigrements (“détractations”) de toutes sortes, et – ce qui leur semble à première vue opposé mais se révèle tout aussi faux et mensonger – des flatteries à l’égard du prochain.  Il inclut au nombre de ceux qui violent ce commandement tous ceux qui se délectent à écouter soit les calomnies et les détractations, soit les flatteries.

La seconde sorte de mensonge comprend tout ce que nous disons de nos prochains faussement et contre la vérité, soit en mal, et c’est ce qu’on appelle calomnie ; soit en bien, dont la principale espèce est la flatterie.

J’appelle calomnie quand on blesse et diminue la réputation de son prochain en le blasonnant, comme quand la femme de Potiphar fit croire à son mari que Joseph l’avait sollicitée à pécher (Gen. 39), quand Tsiba calomnia son maître Méphibocheth d’avoir prétendu à la couronne d’Israël (2 Sam. 16 :2).  Souvent celui qui détracte (et c’est l’une des plus grandes malices du mensonge) n’impose pas à son prochain une chose entièrement fausse, mais en lui en imputant une véritable, il la détourne en un sens sinistre, et la rapporte à une tout autre intention qu’elle n’a été faite ou dite, comme ces Juifs qui témoignèrent que Jésus-Christ avait dit qu’en trois jours il relèverait le Temple, ce qui était bien vrai, mais non au sens qu’ils l’interprétaient, car il parlait de son corps, et ils le comprenaient du Temple de Jérusalem (Marc 14 :58).  Ainsi fit Doëg rapportant à Saül qu’il avait vu David chez le sacrificateur Ahimélec (1 Sam. 22), car il était bien vrai que David avait été dans la maison d’Ahimélec ; mais non dans le dessein et intention de conspirer avec lui contre Saül, comme ce garnement le lui donnait à entendre.

Aussi voyez-vous que ces gens sont les uns et les autres qualifiés dans l’Écriture de faux témoins et calomniateurs.  D’où il apparaît que celui qui médit de son prochain, encore que ce qu’il dit soit véritable, ne laisse pourtant pas d’être coupable de calomnies et détraction, s’il le dit sans nécessité, dans un lieu, dans un temps et à des personnes où il n’était pas besoin de le dire, étant évident que son intention n’a pu être autre que de noircir la réputation de son prochain et y porter quelque atteinte.  Et les plus malicieux en cette espèce sont ceux qui sucrent ce poison le plus artificieusement pour le faire avaler plus aisément à ceux qui les écoutent ; faisant de grandes préfaces et protestations de l’amour et du respect qu’ils portent à celui dont ils veulent détracter, et du regret qu’ils ont de ses fautes et de ses imperfections.  Ce péché est l’un des plus communs entre les hommes qui infecte et le monde et l’Église si universellement qu’à peine y a-t-il une personne ou une compagnie qui en soit exempte.  La plus grande partie de nos conversations en sont si honteusement tachées, que les blâmes de nos prochains font bien la moitié de la matière de nos entretiens.

Je mets aussi dans ce rang ces moqueurs qui sous ombre de railler, piquent leurs prochains ; ceux qui les déchirent par bouffonneries, qui composent, publient ou sèment contre eux des médisances et des libelles fameux, en un mot, tous ceux qui leur rendent de mauvais offices capables de ruiner ou de ternir leur réputation, à quelque dessein qu’ils le fassent, soit pour les outrager en effet, ou bien seulement pour passer le temps à leurs dépens.

Je range finalement dans cet ordre ceux qui écoutent et lisent les calomnies et les médisances, souillent leurs yeux et leurs oreilles de ces saletés et ordures ; car ce n’est pas assez d’en garantir notre langue, il faut que notre ouïe et notre vue et tous nos sens en soient purs.  Faisons donc état que le Souverain Législateur nous défend généralement toute cette corruption et malignité, et certes à bon droit ; car c’est une des plus mortelles pestes de la société humaine, qui nous attaque dans ce que nous avons de plus cher et de plus sensible, l’ennemie de la charité, la fille de l’envie, de la haine ou de la folie, la mère des scandales, la source de la discorde et de l’inimitié, la cause des procès et des querelles, des meurtres et des assassinats, de la mort des personnes innocentes, de la ruine des maisons les plus florissantes, le fléau des grands et des petits, des cours des princes et des familles des particuliers, du monde et de l’Église.  Aussi voyez-vous que le psalmiste promet de retrancher celui qui détracte en secret contre son prochain (Ps. 15 :3 ; 101 :5) et qu’entre les conditions qu’il donne à celui qui habite en la montagne de Dieu, il dit expressément qu’il ne détracte point par sa langue et ne profère point de discours injurieux contre son prochain.

Il maudit cette sorte de gens, et fait contre eux des imprécations si ardentes dans le Ps. 109 que nous ne trouvons point qu’il en ait jamais usé de semblables contre aucune autre sorte de personnes.  Il décrit leur crime avec des paroles atroces et tragiques disant que leurs langues sont des rasoirs et des glaives tranchants, que leurs lèvres sont fausses, que leurs détractions sont des flèches aiguës triées par un homme puissant et des charbons de genièvre (Ps. 120).  Et son fils Salomon dit que celui qui témoigne faussement contre son prochain est comme le marteau et l’épée et la flèche aigüe (Prov. 25 :18)S. Paul sous le Nouveau Testament passe encore plus avant et met la détraction et médisance entre les fruits du sens réprouvé auquel ont été livrés les Gentils à cause de leurs crimes horribles (Rom. 1 :30). Il veut que nous tenions les médisants pour des personnes maudites, que nous les chassions de nos tables, comme des harpies infâmes qui souilleraient nos repas (1 Cor. 5 :11) ; et comme il les exclut de notre communion, aussi les enrôle-t-il expressément avec ceux qui n’auront point de part au Royaume de Dieu (1 Cor. 6 :10).

Mais ces saints Ministres de Dieu condamnent aussi fort clairement les flatteurs, la seconde espèce de faux-témoins qui séduisent leurs prochains en déguisant leurs vices, et leur attribuant des perfections et des mérites qu’ils n’ont pas en effet.  Car David prie le Seigneur de retrancher les lèvres des flatteurs, de leur former leur procès, et de confondre leurs desseins (Ps. 11).  C’est à eux, sans doute, que s’adresse le malheur que dénonce le Prophète Ésaïe à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal (Es. 5 :20), qui font les ténèbres lumière et la lumière ténèbres ; qui font l’amer doux et le doux amer.  S’il y a quelque autre mensonge qui ne soit pas proprement compris sous l’une ou l’autre de ces deux espèces, comme il y en a plusieurs, sachons pourtant qu’il nous est défendu par cet article de la Loi.  Car encore que tout mensonge n’offense pas le prochain, encore qu’il semble quelquefois lui être utile et avantageux, pourtant il est désagréable à Dieu comme contraire à cette vérité et droiture qui doit être en nous, puisque nous sommes enfants de lumière et de vérité. Et c’est ici que je rapporte les équivoques et paroles obliques dont usent quelques-uns pour couvrir leurs mensonges.  Le langage du chrétien doit être franc et sincère, simple et de bonne foi, et qui parle autrement est coupable de mensonge.

J’ajoute que ce commandement regarde aussi les babillards et les grands parleurs qui sont le plus souvent menteurs, parce que, comme dit le Sage (Prov. 10 :19) avec beaucoup de paroles on ne manque pas de pécher. Donc puisque le babil est comme la matière du mensonge, et puisque d’autre part le but de ce commandement est de nous former la langue, si nous voulons exactement y obéir, accoutumons-nous à ne parler que dans les occasions, dans les temps et lieux qui l’exigent.  Que notre parole soit non seulement sincère et véritable, mais aussi grave et digne de la vocation dont le Seigneur nous a honorés, nous souvenant de ce que dit le Sage (Prov. 10 :20), que la langue du juste est un argent de choix ; et encore plus ce que dit S. Jacques au chap. 1 de son Épître : Si quelqu’un pense être religieux entre vous, ne tenant point en bride sa langue, mais séduisant son cœur, la Religion d’un tel personnage est vaine.

Eric Kayayan
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