Beaucoup d’entre nous se souviennent d’un tube rap du début des années quatre-vingt, repris maintes fois: chacun fait ce qu’il lui plaît, plaît, plaît… Évocation du vide existentiel d’un individu qui ne sait vraiment plus où il en est, oscillant, pour ne pas dire vacillant, quelque part entre la boisson et les prostituées. Chacun fait ce qu’il lui plaît et en fin de compte, cela ne regarde personne que soi-même. Cette évocation d’un monde d’où toute véritable communication a été bannie, montre bien les ravages opérés par un individualisme destructeur : le règne de la subjectivité a démoli toute possibilité de partage sincère avec l’autre. Ce tube est une bonne illustration de la culture contemporaine dominante, celle où l’individu-roi se retrouve en fait au pied du mur de son existence sans savoir que faire pour se relever.
On pourrait aussi en paraphraser les paroles de la façon suivante : chacun croit ce qu’il lui plaît, plaît, plaît… Laissez donc chacun tranquille de croire ce qu’il lui plaît sans entrer en dialogue avec lui sur la nature et la portée de ses convictions, car elles demeurent un choix purement personnel. Personne n’a le droit de demander à l’autre d’expliquer ce qu’il croit et pourquoi. De nos jours, oser entrer en dialogue là-dessus est presque considéré comme dangereux, un peu comme s’il s’agissait d’un viol de la conscience individuelle.
La foi chrétienne, quant à elle, est une foi personnelle que chaque croyant doit pouvoir exprimer du fond de son cœur et à voix haute si on lui en demande raison, sans avoir peur de quoi que ce soit. Mais elle est en même temps une foi partagée avec d’autres, elle n’a pas peur d’être exprimée dans un cadre communautaire. Elle me relie à mes frères et mes sœurs dans la foi car elle n’est pas le fruit de spéculations personnelles que je garde en mon for intérieur. Elle porte sur un contenu objectif, qui me dépasse en tant qu’individu. Il s’agit de ce que Dieu a révélé aux hommes sur lui-même et sur son œuvre afin que cela soit compris, cru et mis en pratique. Il s’agit donc de quelque chose de bien plus élevé que moi, qui s’adresse au plus profond de ma personne mais qui s’adresse aussi à tous les hommes et toutes les femmes dans ce monde, raison pour laquelle ce message doit être annoncé à tous, sans exception. Suivant l’injonction du Christ ressuscité à ses disciples d’aller vers toutes les nations, de leur proclamer l’Évangile, de les baptiser et de leur enseigner à garder tout ce qu’il a commandé (évangile selon Matthieu, chapitre 28:18-20) l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Rome dans la longue lettre qu’il leur adresse vers l’an 56: Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés? Selon ce qui est écrit [au livre du prophète Ésaïe dans l’Ancien Testament, chapitre 52:7]: Qu’ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles!
La foi chrétienne est donc “religion” au sens où elle me relie aux autres croyants et nous ouvre la même perspective sur le sens de notre vie et de notre destinée. En fait elle nous unit dans un même corps, celui du Christ ressuscité qui a prié ainsi pour ses disciples (évangile selon Jean, 17:20-21): Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé.