Au moment du procès du Christ, le procurateur romain Ponce-Pilate (représentant du pouvoir de l’empereur Tibère) confronté au silence de celui qui comparaît devant lui, le menace en lui disant : « A moi, tu ne parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et que j’ai le pouvoir de te crucifier?» Jésus-Christ lui répond alors : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en-haut (évangile selon Jean, 19:8-11). Le Christ déclare devant l’autorité publique que son pouvoir même lui vient de Dieu, et que c’est donc de lui et de lui seulement que ce pouvoir tire son origine, ce qui la met devant l’obligation d’exercer son pouvoir (potestas) dans le cadre d’une autorité (auctoritas) limitée et normée selon une règle d’équité et de vérité fondée sur la justice divine. Ce qui est du reste une affirmation constante dans la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse, en particulier sous la plume de St Paul (épître aux Romains, ch. 13:1-4): Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures : car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu… car elle [l’autorité] est au service de Dieu pour ton bien.
L’apôtre Paul définit de manière à la fois générique et succincte l’origine, la responsabilité et l’exercice de toute autorité publique, quelle que soit la forme particulière qu’elle revête (il ne prescrit pas un modèle unique d’institutions politiques): elle a pour but ultime le service de Dieu pour le bien de ses sujets. Et il faut ici bien noter que lorsque Paul écrit ces lignes aux chrétiens de Rome, c’est Néron qui est empereur! Une fois posé que tel est bien l’enseignement biblique sur l’origine de tout pouvoir (ce que bien sûr seuls les chrétiens convaincus reconnaîtront sur le fondement de l’Écriture Sainte), il devient clair qu’aucun pouvoir humain ne peut être « absolu » puisqu’il a des comptes à rendre en premier lieu à Celui qui l’accorde et le norme par sa Loi transcendante.
De leur côté, lorsque les sujets demanderont légitimement des comptes sur la manière dont l’autorité exerce son pouvoir (par le biais de mécanismes institutionnels fondés sur les mêmes principes), elles devront le faire sur ces deux questions primordiales: a-t-elle cherché à servir Dieu en recherchant le bien public? Ou bien s’est-elle abusivement emparée de la notion de « droit divin » (qui bien évidemment n’appartient qu’à Dieu) pour confondre « service de Dieu pour le bien du public » avec pouvoir personnel et usurpation des biens au profit d’un individu ou d’une oligarchie?