ESPÉRER MALGRÉ LA DÉPRESSION

Le texte suivant est l’avant-dernier chapitre du livre “Rendre Compte de l’Espérance” (éditions L’Age d’Homme, collection “Messages”, Lausanne, 2009; chapitre 24, pages 287-292), intégralement disponible en PDF sur notre site: 

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Parler de la dépression, c’est parler d’un mal qui affecte un nombre croissant d’hommes et de femmes, causant beaucoup de souffrance et paraissant le plus souvent sans issue pour ceux qui en souffrent. Espérer malgré la dépression, c’est espérer en le Dieu rédempteur qui a vaincu toutes les forces de la mort et de l’obscurité en la personne de Jésus-Christ, Dieu devenu homme pour le salut d’hommes voués par nature aux ténèbres.

La dépression a été décrite en détail par de nombreux spécialistes et en donner ici une définition exhaustive serait une entreprise vouée à l’échec. Des facteurs internes, ou, comme l’on dit dans le vocabulaire médical spécialisé, endogènes, peuvent en être à l’origine, comme le facteur héréditaire. On hérite ainsi de ses parents une prédisposition à la dépression. Des facteurs externes, comme des circonstances personnelles très éprouvantes sur le plan émotionnel, forment, eux, les causes exogènes de la dépression. Le stress et la fatigue sont reconnus comme des agents qui provoquent ou activent les tendances dépressives. On pourrait gloser à perte de vue sur les causes culturelles et civilisationnelles de ce stress ou de cette fatigue dans nos sociétés contemporaines marquées par une pression psychique continue exercée sur chacun: cette pression se manifeste par le bombardement de l’information médiatique, la perte des repères traditionnels, de l’identité communautaire, l’exigence d’adaptation à toutes sortes de nouvelles technologies en milieu professionnel ou éducatif, l’angoisse liée à une absence de perspective rassurante sur son propre futur, sur le futur de la planète etc.

Sur le plan physiologique, la circulation de certaines substances chimiques qui parcourent notre cerveau, les neurotransmetteurs, se trouve bloquée : ces substances, qui dans un état normal circulent de neurone en neurone par le biais de leurs extrémités, les synapses, se trouvent au contraire réabsorbées dans le neurone où elles se trouvent. C’est cette réabsorption qui est la cause physique de la dépression: certains médicaments, les antidépresseurs, sont justement conçus pour exercer un effet sur cette cause physique. La plupart ne sont d’ailleurs pas sans graves inconvénients, en raison de leurs effets secondaires, et il convient d’en tenir sérieusement compte avant d’y avoir recours.

Notons surtout que la dépression ne devrait pas être envisagée comme une affairement purement physique, ou matérielle, qui doit seulement être traitée à l’aide de médicaments spécialisés. Dieu a créé l’être humain dans une relation inséparable entre l’âme, ou le psychisme, et le corps. Les deux s’influencent mutuellement dans une relation complexe et souvent difficile à cerner. C’est justement parce qu’elle insiste sur la valeur du corps qui fait intégralement partie de la Création que la foi chrétienne insiste aussi sur la résurrection des corps à la fin des temps, ce qui est autre chose que de croire en l’immortalité de l’âme, comme c’est le cas dans de nombreux systèmes religieux ou philosophiques. La foi chrétienne confesse Jésus-Christ ressuscité corporellement, et non pas un fantôme que des disciples illuminés ont cru voir dans un moment d’extase ou d’enthousiasme mystique.

Mais quels sont les symptômes les plus courants de la dépression? À des degrés divers une humeur noire, une tristesse chronique, l’incapacité de se réjouir, de voir la vie de manière positive, d’éprouver du plaisir, un sens général de perte, de motivation, une mauvaise image de soi; ainsi, si l’on n’atteint pas à la perfection, on se considère comme un être raté, un incapable méritant d’être puni. On est obsédé par le côté négatif de la vie, on revient constamment sur ses propres échecs, on éprouve des tendances autodestructrices voire suicidaires, on souffre d’une absence d’espérance et de vision pour le futur. La vie vaut-elle la peine d’être vécue dans de telles conditions?

Pour beaucoup, hélas, le déprimé est un être considéré comme faible, voire spirituellement déficient. Dans certains milieux chrétiens on pense qu’il ou elle doit sûrement porter le poids de ses péchés pour être ce qu’il est. Ne serait-il pas quelqu’un qui ne s’est pas repenti de ses fautes, qui ne s’est pas véritablement converti au Seigneur? Si quelqu’un croit véritablement en Jésus-Christ, ne doit-il pas manifester une joie exubérante ? Un tel jugement rappelle la question des disciples posée à Jésus-Christ lorsqu’ils sont passés devant l’aveugle né (Jean 9:2-3): Maître, qui a péché, lui ou ses parents pour qu’il soit né aveugle ? Ce à quoi Jésus leur a répondu, avant de guérir cet homme : Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché: mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui.

Bien sûr la dépression, comme toute autre maladie, est un signe de la réalité brisée qui, après la chute du premier couple humain, caractérise la Création originellement parfaite de Dieu. Peut être davantage que bien d’autres affections, la dépression témoigne de ce que l’on peut être la victime d’attaques spirituelles destinées par un ennemi à nous faire complètement perdre pied et à nous plonger dans le désespoir. Car, sans nier les causes endogènes ou exogènes mentionnées plus haut, il faut toujours savoir se placer dans une perspective spirituelle plus large, et envisager notre vie dans le cadre d’une lutte qui dépasse notre propre personne : la lutte entre Jésus-Christ et Satan, déjà présente à l’aube de l’humanité. Chaque vie individuelle est l’un des multiples terrains de bataille d’une telle lutte cosmique, et il convient de faire preuve de lucidité à cet égard. Voilà aussi pourquoi l’on peut espérer en dépit des attaques insidieuses dont on peut être la victime lorsque l’on est sujet à la dépression: car au-delà de ma personne, il existe un vainqueur qui m’entraîne à sa suite, c’est le roi de la Création, le vainqueur de Satan, Jésus-Christ, la seconde personne de la Trinité.

À partir de là, je puis savoir que l’horizon ultime de ma vie n’est pas tel ou tel symptôme qui m’affecte et me fait du mal, mais la vie éternelle qui m’est promise dans le sillage de la résurrection du Christ. On peut alors relativiser et même combattre les effets de la dépression dans sa vie, et regarder plus haut, retrouver une perspective positive, même si nos émotions ne suivent pas toujours. C’est là qu’il faut aussi savoir distinguer entre le domaine du psychisme, affecté par la dépression, et le domaine spirituel, gouverné par l’Esprit de Dieu: ce sont deux sphères distinctes l’une de l’autre, même si très proches. L’homme spirituel sait et croît dans la certitude que les promesses de Dieu en Jésus-Christ, dont le Saint-Esprit témoigne en lui, ne sont pas liées à ses états émotionnels chancelants, états qu’il peut lui-même reconnaître comme pathologiques, s’il est suffisamment lucide. Les promesses de Dieu, qui sont oui et amen en Jésus-Christ, ne fluctuent pas avec notre subjectivité, nos états d’âmes, dépressifs ou non. Les promesses divines sont ancrées dans l’éternité divine, qui dépasse – et de très loin – notre condition d’êtres faibles, limités et mortels; ce sont ces promesses qui peuvent nous soutenir, justement parce qu’elles n’ont pas leur origine en nous. Malgré les attaques dont nous sommes l’objet, nous pouvons faire preuve de vaillance dans le combat spirituel quotidien, même si cette vaillance se manifeste encore dans un état de faiblesse psychique. Nous pouvons être motivés par une perspective supérieure, par une espérance indestructible dont nous rendons à notre tour témoignage, du sein même de notre propre faiblesse.

C’est aussi cette perspective qui peut nous motiver à adopter certaines mesures, une certaine hygiène de vie qui peut limiter les effets de la dépression en nous; car Dieu nous accorde une vie qui, tout en étant une, est à la fois corps, psychisme et esprit afin que nous en prenions soin. Prendre soin de son corps et de son psychisme, les deux étant liés, est une obligation. Ainsi, les exercices ou activités physiques, pratiqués de manière responsable, ne devraient pas être considérés comme inutiles: ils auront des effets positifs sur le système nerveux et sur notre psychisme. Ils développent une endurance qui permet de beaucoup mieux supporter la fatigue causée par nos activités quotidiennes. Les lectures auxquelles on s’adonne, les films que l’on regarde ou les spectacles auxquels on assiste, le type de musique que l’on écoute, tout ceci devrait être pris en compte pour maintenir une bonne hygiène mentale. Chacun a la responsabilité d’effectuer des choix, et doit tenir compte des effets qu’aura sur son psychisme ce à quoi il s’expose. Les sujets de conversation que nous abordons quotidiennement ne sont pas indifférents non plus. Même s’ils sont souvent dictés par les circonstances du moment (lesquelles sont la plupart du temps loin d’être roses) nous avons la possibilité de rééquilibrer ces sujets de conversation. L’appréciation pour la beauté des formes de vie créées par Dieu, la jouissance de plaisirs sains ont leur place légitime dans la vie humaine placée sous le regard de Dieu. Les passe-temps auxquels on s’adonne dans ses moments de loisir, s’ils sont sains, peuvent aussi rééquilibrer certaines tendances dépressives.

On peut guérir de la dépression, de nombreux exemples en témoignent. Un choc émotionnel très dur peut avoir été à l’origine d’un accès dépressif, qui peut durer des années. Le passage du temps, des circonstances nouvelles, toutes sortes de facteurs jouant de manière positive peuvent faciliter une guérison. Au contraire, certaines personnes affectées par des tendances dépressives chroniques devront vivre avec toute leur vie. À l’inverse on peut très bien vivre sans connaître la souffrance psychique causée par la dépression, et pourtant vivre sans espérance car sans connaissance du salut que Dieu a offert par sa Grâce en Jésus-Christ. Tandis qu’on peut vivre au quotidien la souffrance d’une telle maladie, tout en étant animé d’une espérance indestructible et habité par la vie qui nous est donnée par le même Jésus-Christ.

Dieu n’a jamais promis à ses enfants qu’ils traverseraient la vie sans aucun inconvénient, Il leur a promis de les soutenir sans défaillir, au milieu des plus grandes épreuves. Il les a appelés à devenir de vrais disciples de son Fils, c’est-à-dire à porter leur propre croix, et aider leurs frères à porter la leur. L’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, l’exprime comme suit en parlant de Jésus-Christ (4:15-16). Ces paroles peuvent à bon droit nous remplir d’espérance : En effet, nous n’avons pas un grand-prêtre qui serait incapable de se sentir touché par nos faiblesses. Au contraire, il a été tenté en tous points comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. Approchons-nous donc du trône du Dieu de grâce avec une pleine assurance. Là, Dieu nous accordera sa bonté et nous donnera sa grâce pour que nous soyons secourus au bon moment. Est-il utile d’ajouter que lorsqu’il encourage ses lecteurs à s’approcher du trône du Dieu de grâce, l’auteur de la lettre aux Hébreux les invite à persévérer dans la prière : prière à la fois ardente et confiante dans la certitude qu’elle n’est pas un vain cri projeté dans un espace de silence. Cette prière ne revient pas comme un écho creux vers celui qui l’a exprimée, au contraire elle atteint celui-là même auquel elle s’adresse.

Si quelqu’un en doutait, se demandant comment de sa propre faiblesse pourrait surgit une prière qui s’élève jusqu’à Dieu, qu’il ou elle écoute plutôt les paroles de l’apôtre Paul aux Romains (8:26-27): De même, l’Esprit vient nous aider dans notre faiblesse. En effet, nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit lui-même intercède en gémissant d’une manière inexprimable. Et Dieu qui scrute les coeurs sait vers quoi tend l’Esprit, car c’est en accord avec Dieu qu’il intercède pour ceux qui appartiennent à Dieu.

Eric Kayayan
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