L’ÉGLISE SOUS LA CROIX (4)

Avec cet article, je termine le récit de la vie du jeune Fulcran Rey, prédicant des assemblées du Désert en France juste après la Révocation de l’Edit de Nantes par le roi Louis XIV.  Pour rappel, cette série d’articles est adaptée de l’ouvrage de Daniel Benoit L’Église sous la Croix publié en 1882.

Fait prisonnier pour avoir contrevenu aux termes de cet édit, qui interdisait sur tout le royaume de France la célébration de cultes protestants, Fulcran avait comparu devant plusieurs tribunaux.  L’issue de son procès ne pouvait être douteuse.  Convaincu d’être prédicant et d’en avoir rempli les fonctions dans la province du Languedoc, il fut condamné à être pendu, après qu’on lui ait au préalable appliqué, en langage de l’époque, la question, c’est-à-dire une forme de torture pour arracher des aveux.  Il écouta d’un air serein la lecture de son jugement.  On me traite plus doucement, dit-il, qu’on n’a traité mon Sauveur, en me donnant une mort si douce.  Je m’étais préparé à avoir les membres rompus ou à être brûlé.  Puis, jetant les yeux au ciel, il s’écria: Je te rends grâce, Seigneur du ciel et de la terre, de tant de biens que tu me fais.  Je te rends grâce de m’avoir trouvé digne de souffrir pour ton Evangile et de mourir pour toi.  Fulcran Rey subit la question sans se plaindre.  Toutes les questions qu’on lui posa ne lui arrachèrent que ces mots: J’ai tout dit; je n’ai plus rien à répondre.  Ses juges, ne pouvant rien tirer de lui, le firent détacher.  Alors il leur dit: Vous venez de m’infliger une peine que je n’ai guère sentie.  Je crois que vous avez plus souffert que moi.  Je puis vous assurer que, au plus fort de la douleur que vous avez voulu que j’endure, je n’ai pas senti de douleur.

Comme il était pourtant brisé de fatigue, on lui offrit à manger.  Il accepta en disant: Les uns mangent pour vivre et moi je mange pour mourir.  C’est le dernier repas que je prendrai sur terre; mais, dès ce soir, il se prépare pour moi un banquet dans les cieux.

L’heure était maintenant venue d’aller au supplice.  Il y marcha avec une contenance calme et assurée, chantant des psaumes et repoussant les moines qui l’importunaient de leurs discours et qui l’accompagnèrent jusqu’au pied de la potence.  Retirez-vous, leur disait-il, vous êtes des consolateurs malvenus.  Il n’y a rien à faire ici pour vous.  Ayant rencontré quelques frères qui pleuraient, il les salua, leur laissant pour adieu des paroles d’encouragement.  En sortant par la porte Beauregard, il vit la potence dressée devant lui.  Cette vue ne fit que lui inspirer des transports de joie: Courage! s’écria-t-il, courage!  Voici le lieu que je m’étais depuis longtemps mis devant les yeux!  Qu’il me paraît agréable!  J’y vois les cieux ouverts pour me recevoir et les saints anges, qui me tiennent compagnie, tout prêts à m’y enlever.

Il voulut chanter un psaume, mais les officiers de la justice s’y opposèrent.  Au pied de la potence il se mit à genoux, puis il franchit avec joie les degrés de l’échelle.  Il vit que les moines montaient après lui.  Comme ses mains étaient enchaînées, il leur fit signe du pied de se retirer: Je vous l’ai déjà dit, je vous le dis encore, s’écria-t-il, je n’ai pas besoin de votre secours; j’en reçois assez de mon Dieu pour faire le dernier pas qui me reste à faire, afin de remplir toute ma carrière.  Il voulut parler pour édifier encore ses frères avant de rendre le dernier soupir; mais le roulement d’un grand nombre de tambours étouffa sa voix; et c’est au milieu de ce bruit qu’il rendit l’âme à Dieu.

Trois ans auparavant, le martyr Homel, au milieu des souffrances horribles du supplice de la roue, avait harangué le peuple à Tournon et ses paroles avaient longtemps résonné dans les coeurs des habitants de cette ville.  On ne voulait pas de nouveau courir le risque de transformer l’échafaud en siège de prédicateur.  Néanmoins, pour tous ceux qui en furent les témoins, la mort de Fulcran Rey fut la plus éloquente de ses prédications.  Des catholiques romains eux-mêmes avouèrent qu’il était mort en véritable martyr.  La ville de Beaucaire, toute plongée dans les ténèbres et les préjugés, en fut profondément secouée.

Un célèbre pasteur de cette époque réfugié à Rotterdam, Jurieu, conclut de la manière suivante sur ces événements: Je souhaiterais que trois ou quatre sortes de gens réfléchissent sur cette mort.  Premièrement, les ennemis de la vérité.  Est-il possible qu’ils ne reconnaîtront jamais là-dedans le caractère de la vraie religion?  Je les engage vivement à considérer ce qui ressemble le plus à Jésus-Christ et ses apôtres: un homme qui meurt comme nous venons de voir mourir ce jeune homme, ou des gens qui le font mourir pour sa religion et parce qu’il n’a pas voulu y renoncer?  Deuxièmement, je mets cet exemple devant les yeux de ceux qui ont renoncé à leur foi et qui, séduits ou par leurs passions ou par leurs illusions, regardent la religion qu’ils ont quittée comme une religion abominable. Peuvent-ils être persuadés que tant de courage, tant de piété, tant de constance, tant de modération, tant de douceur vienne de celui qui est le père du mensonge et la source des crimes!  Si c’est l’Esprit de Dieu qui produit ces effets miraculeux dans nos martyrs, notre religion n’est donc pas privée du Saint Esprit?  Dieu ne nous a donc pas abandonnés?  Nous ne sommes donc pas en dehors de son Eglise?

Puis, se tournant vers les faibles qui, tout en conservant la vérité dans le coeur, n’avaient pas craint de la renier des lèvres, le pasteur de Rotterdam leur adresse cette vive injonction: Je le demande: n’étiez-vous pas obligé à faire ce que ce martyr a fait?  A-t-il rendu à Dieu plus qu’il ne lui devait?  Qui est celui qui n’est pas obligé de sceller et de confirmer la vérité par ses souffrances?  Ne vous justifiez pas.  Relevez-vous par la repentance si vous voulez que Dieu vous pardonne.

Un autre réfugié célèbre provenant de la ville de Nîmes, un juriste qui publia en Angleterre une histoire de sa ville natale, raconte dans les dernières pages de son ouvrage le martyre de Fulcran Rey et du pasteur Brousson, très actif dans les assemblées du Désert.  Il conclut en ces termes: Faisons bien attention à rendre notre confession et notre foi glorieuses, par une conduite sage et modeste, par une vie exemplaire et par un entier dévouement au service de Dieu.  Souvenons-nous toujours que nous sommes les enfants et les pères des martyrs.  N’oublions jamais cette gloire.  Tâchons de la transmettre à la postérité.

Un autre auteur protestant contemporain écrit ceci dans une lettre donnant elle aussi les détails de la vie et la mort de Fulcran Rey: Dieu veuille nous mettre en état de pouvoir imiter le zèle et la fidélité de ce digne martyr de nos jours, pour le suivre jusque dans son repos et dans son triomphe!  C’est le voeu que je pousse de bon coeur vers le ciel pour vous et pour tous ceux qui vous ressemblent.  Que pouvons-nous ajouter à ces paroles écrites il y a plus de quatre siècles, que chacun peut s’appliquer à soi-même?  L’exemple de Fulcran Rey et de bien d’autres, montre à tous que l’Evangile est une puissance et que seul le Royaume promis par Jésus-Christ à tous ceux qui croiraient en lui, est permanent.  Même les biens les plus précieux que nous possédons ici sur terre, ne sauraient peser en face de ce Royaume.

Quelques paraboles de Jésus-Christ sur le Royaume des cieux (au chapitre treize de l’Évangile selon Matthieu) concluront cette série d’articles: Le royaume des cieux ressemble à une graine de moutarde qu’un homme a prise pour la semer dans son champ.  C’est la plus petite de toutes les semences.  Mais quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes du potager et devient un arbuste, si bien que les oiseaux du ciel viennent nicher dans ses branches.(…) Le royaume des cieux ressemble à du levain qu’une femme prend pour le mélanger à une vingtaine de kilogrammes de farine.  Et, à la fin, toute la pâte lève.  (…)  Le royaume des cieux ressemble à un trésor enfoui dans un champ.  Un homme le découvre: il le cache de nouveau, s’en va, débordant de joie, vend tout ce qu’il possède et achète ce champ. (…)  Voici encore à quoi ressemble le royaume des cieux: un marchand cherche de belles perles.  Quand il en a trouvé une de grande valeur, il s’en va vendre tout ce qu’il possède et achète cette perle précieuse.

 

 

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Eric Kayayan
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