LA GENÈSE ET LES MYTHES

Un beau livre illustré sur le département du Maine-et-Loire que je viens de feuilletter commence par ces mots : Le cycle des saisons ligériennes recommence indéfiniment le mystère de la Genèse : le temps de l’hiver, l’eau, la terre et la clarté confuse semblent mélangées pour une fécondité secrète, que les crues printanières vont exaspérer et dont l’été épuisera les fruits et décantera lentement la lie: sables roses et mousses d’argent des saules sertissant les émeraudes limoneuses des « boires » tièdes gorgées de poissons pris au piège jusqu’aux pluies rédemptrices de l’automne.

C’est bien écrit, c’est assez poétique, mais dès le départ, c’est une affabulation sur le livre de la Genèse. L’amalgame qui est fait entre les pages initiales de la Genèse et la conception cyclique de l’éternel recommencement (à travers les cycles saisonniers) dans les mythes antiques des origines est tout simplement une aberration.  Cet exemple, un parmi beaucoup d’autres du même genre, est la preuve flagrante de la méconnaissance totale par nos contemporains (même ceux qui se réclament d’une culture « judéo-chrétienne » d’ailleurs) des enseignements les plus clairs et les plus élémentaires de la Bible.  En fait, l’auteur semble pénétré d’une croyance en un type de cosmogonie païenne, tout en lui attribuant le sceau ou l’estampille de la Genèse dans un méli-mélo assez confus.

Alors qu’est-ce qui différencie le livre de la Genèse, dans la Bible, des mythes païens relatant les origines du monde?  La Genèse n’est-elle qu’une adaptation, ou une variation, de ces mythes, comme on l’entend souvent dire?  Et bien, comparons un peu le début de la Genèse avec les récits égyptiens des origines.  Dans l’Egypte antique, le spectacle des origines c’était la crue du Nil, qui se reproduisait tous les ans peu après la réapparition dans le ciel – juste avant le lever du soleil – de l’étoile Sirius, après soixante-dix jours d’absence, comme l’explique Nadine Guilhou, une égyptologue française.  Un texte des Pyramides décrit ce spectacle: “Avant que n’existe le ciel, avant que la terre n’existe, avant que les dieux n’aient été mis au monde, avant que n’existe la mort…”  Seul, nous dit Guilhou, existait alors l’infini de l’eau et l’infini des ténèbres.  Et elle ajoute: “C’est là qu’allait se manifester le démiurge”, c’est-à-dire la divinité qui organise la matière et lui donne des formes différenciées. Voilà le point de départ des cosmogonies égyptiennes c’est-à-dire des mythes qui tâchent de rendre compte des origines de l’univers.  Dans la cosmogonie d’Héliopolis, sans doute la mieux connue, au commencement était le Noun, l’océan primordial, le champ de tous les possibles.  Je cite encore Nadine Guilhou: “C’est un infini des eaux et un infini des ténèbres, domaine de l’obscurité totale.  C’est là que va se manifester la vie.  En son sein s’éveille Atoum, le créateur.  Son nom signifie, en égyptien, la Totalité, Celui qui est complet.  Tout au plus peut-on l’imaginer sous la forme d’un serpent que les hommes ne peuvent pas connaître, que les dieux ne peuvent pas voir, tel qu’il reviendra à la fin des temps, prêt à renaître pour un nouveau cycle de création.  A partir du moment où il se manifeste hors du Noun, le créateur devra revêtir une apparence.  C’est souvent celle d’un oiseau, évoquant l’apparition de l’espace.  Mais cet oiseau doit disposer d’un endroit où se poser, un rocher pointu émergeant  des eaux: c’est la condition indispensable à l’apparition du démiurge.  A Heliopolis il y avait une pierre sacrée en forme d’obélisque trapu qui remplissait ce rôle.”

Je pourrais continuer à vous raconter ces récits fascinants des cosmogonies égyptiennes en citant les travaux d’égyptologues renommés. Mais lisons plutôt le tout début de la Genèse, pour voir comment elle s’en sépare radicalement: Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux.  Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.  Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.  Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un jour.  Le récit que nous lisons dans la Genèse, est en fait l’inverse des cosmogonies égyptiennes, il en prend même directement le contrepied, comme s’il se posait en antithèse par rapport à eux. Au commencement il n’y a pas une quantité infinie d’eau et d’obscurité au sein de laquelle émergera un créateur qui se posera sous forme d’oiseau sur un tertre, il y a le Dieu éternel qui est lui-même le créateur de toutes choses et leur pré-existe dans une existence qui n’a pas d’autre source que soi-même.  Certes, l’eau et les ténèbres sont bien mentionnés, mais après les cieux et la terre; et ceux-ci sont la création du Dieu qui leur pré-existe car il est, lui, un être éternel, qui n’est pas soumis aux aléas du temps et des cycles saisonniers.  L’antithèse entre ces deux versions des origines et de la nature du divin est vraiment importante à saisir car lorsqu’on observe ce qui se dit ou s’écrit aujourd’hui on s’aperçoit qu’elle est toujours actuelle: les différentes formes de panthéisme promues au rang d’explication cosmologique par ceux qui ne se satisfont pas d’une  vision du monde purement matérialiste et naturaliste ne font bien souvent que reprendre en les adaptant les mythes antiques, qu’ils soient égyptiens ou mésopotamiens.

Dans la Bible, Dieu peut sauver son peuple car il est le Créateur éternel et tout puissant.  Nulle part ailleurs qu’au livre du prophète Ésaïe on ne trouve cette pensée articulée avec davantage de force: C’est vous qui êtes mes témoins, – Oracle de l’Éternel -, vous et mon serviteur que j’ai choisi, afin que vous le reconnaissiez, que vous me croyiez et compreniez que c’est moi: avant moi il n’a pas été formé de Dieu, et après moi il n’y en aura pas.  C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors de moi il n’y a point de sauveur.  C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n’est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes donc mes témoins, – Oracle de l’Éternel -; C’est moi qui suis Dieu.  Je le suis dès avant que le jour fût né, et nul ne délivre de ma main; j’agira, qui s’y opposera?  (43:10-12)  Et un peu plus loin au même livre d’Ésaïe (51:12-13): C’est moi, c’est moi qui vous console.  Qui es-tu, pour avoir peur de l’homme mortel, du fils d’Adam, dont le lot est celui de l’herbe? et tu oublierais l’Éternel qui t’a fait, qui a étendu les cieux et fondé la terre?

A cette affirmation qui est source de réconfort pour le peuple de Dieu, au moment même où il est opprimé, le psaume 121 répond par un cri de joie : Notre secours est dans le nom de l’Éternel, qui a fait les cieux et la terre!   Un cri de joie et de reconnaissance valable aujourd’hui comme il le fut hier car il prend son appui et son élan sur un fondement inébranlable: non pas une théorie des origines ou encore des mythes habilement conçus, mais  le Dieu Créateur et Sauveur qui depuis son éternité s’est révélé comme tel au cours de l’histoire humaine.

 

 

Eric Kayayan
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